Atikamekw Ojibwe

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Avant l'arrivée des Européens, la survie des groupes reposait sur la coopération de l'ensemble des membres et une répartition des biens et des ressources, sur un équilibre de la balance écologique dont l'homme était un élément. Lorsque les Indiens se mirent à produire pour le marché et plus uniquement pour leur subsistance, non seulement leur économie mais l'ensemble de leurs structures sociales en fut affectée. Imposer une économie concurrentielle de type capitaliste débouche inévitablement sur une détérioration des rapports interpersonnels, un affaiblissement de l'esprit communautaire et une perte de cohésion du groupe. Les observateurs ont noté ces différentes résultantes de la colonisation européenne dans les bandes composites qui se formèrent, quelques décennies après le contact, autour des Grands Lacs. Il n'existait pas dans ces groupements hétéroclites d'autorité ou d'institution susceptible d'en assurer l'équilibre et les Européens accentuèrent le malaise par une politique de "divisionpour-régner" qui est l'une des pierres d'achoppement de tout édifice colonial. Les Blancs instituèrent notamment des chefferies artificielles et même, peut-on dire, "inventèrent" des "tribus" qui n'existaient pas" à seule fin de satisfaire leurs intérêts commerciaux.

Le Midewiwin, ésotérisme de repli La surexploitation des ressources naturelles, la chasse intensive des animaux à fourrures, et en premier lieu du castor, amenèrent un déséquilibre de la toujours fragile balance écologique et une paupérisation qui aboutirent, dès la fin du XVIIe siècle, à un nouvel éclatement, dans le sens d'un glissement vers l'Ouest auquel la pression iroquoise n'était pas non plus étrangère. Au moins jusqu'à 1765, la péninsule de Chequamegon, au sud du lac Supérieur, fut connue comme la "métropose ojibwe". C'est là que la société ojibwe tenta de se restructurer sur de nouvelles bases. Le Midewiwin fut l'une des solutions trouvées pour répondre aux multiples agressions, conséquences directes ou indirectes de la colonisation. Les Indiens s'aperçurent vite de l'engrenage fatal dans lequel les poussait leur alliance avec les Blancs ; dès le début du XVIIIe siècle, 42

les déclarations des leaders manifestent cette prise de conscience politique : "Les Blancs, disent-ils, parlent d'une façon et agissent d'une autre". La responsabilité des missionnaires était largement engagée dans la désintégration physique et morale des sociétés indiennes des Grands Lacs ; ils avaient amené les maladies et favorisé leur propagation en incitant le Indiens à se regrouper autour des missions (mouvement qui allait s'amplifier par la suite) ils s'étaient faits les agents des puissances impérialistes en semant la zizanie au sein des tribus et en les poussant vers les guerres sanglantes dont nous avons vu les désastreuses conséquences. Le Midewiwin se constitua donc, probablement au début du XVIIIe siècle à Chequamegon, comme une société ésotérique hiérarchique à but thérapeutique. Les hommes et les femmes qui en étaient membres formaient un clergé dépositaire de la tradition "historicomythique" du groupe, symbolisée par un coquillage rappelant les origines atlantiques des Algonquin. Ces membres avaient le pouvoir occulte, c'est-à-dire "non-public", de guérir, ou de tuer, en utilisant des herbes ou des projectiles divers. On accédait à chacun des huit grades de la hiérarchie après une longue période d'instruction, une "initiation", donnée par un ancien et payée en nature ou, dans la période récente, en espèces. Les rites et les croyances liés au Midewiwin combinaient des éléments du chamanisme préexistant, avec des éléments de christianisme récupérés et réinvestis d'une nouvelle signification.


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