Atikamekw Ojibwe

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Ainsi présenté, le semi-nomadisme des Ojibwe et autres ethnies algonquin subarctiques n'apparaît ni déterminant ni déterminé. S'il existe, comme nous le soupçonnons, un esprit nomade, la question reste entière de savoir s'il se nourrit des conditions du milieu, ou si, à l'inverse, il imprime sa marque sur cet environnement. Les Ojibwe nous ont eux-même apporté une réponse dans leur mythe de la Création que nous avons reproduit ci-dessus tel que rapporté par Basil Johnston, un ethnologue Ojibwe (1976).

Une véritable Philosophie Ce cycle mythique, dès la "vision primordiale" -celle que reçut Kitche Manitou, le Grand Esprit, et qui préfigurait le monde à créer -donne les clés d'un mode d'être et de penser, d'une véritable Philosophie dont les prémices sont ainsi définis: 1) Il n'existe pas de point alpha de la Création, et il n'y a ni créateur ni créature, ou tout être vivant est, à la fois, créateur et créature ; la création est un phénomène continu et permanent, elle s'inscrit dans un "espace-temps" qu'on ne peut figurer que dans la circularité ; 2) le monde, projection d'une vision intérieure, est voulu essentiellement "beau", "ordonné" et "harmonique", chaque élément étant dans un rapport d'interdépendance avec l'ensemble des autres, humains ou non-humains ; 3) "Bien que dernier dans l'ordre de la création, le plus démuni par ses aptitudes physiques, l'homme possédait le plus grand don : le Pouvoir de Rêver" (Johnston, 1976, p.13).

L'homme, simple élément

n'est qu'un élément d'un ensemble, la Création, en constante recherche d'équilibre, équilibre au sein duquel l'homme doit trouver sa place, sans plus (6). Par ailleurs, l'homme est victime d'un handicap spécifique : une faible constitution post-natale (7) qui le contraint à penser le monde plutôt qu'à être au monde. Tandis que l'animal, la plante, la roche, etc ... vivent spontanément les lois naturelles édictées par le Grand Esprit à la fin de son oeuvre créatrice, l'homme, lui, doit choisisr sa relation au monde. Mais ce libre-arbitre, généralement considéré par les philosophies occidentales comme la liberté spécifique de l'être humain, n'est en fait, pour les Amérindiens, qu'une illusion de pouvoir : l'homme ne peut que respecter la Création et les lois qui la régissent, ou bien la détruire -en en perturbant l'harmonie, l'ordre et la beauté - et, ipso facto, il se détruit lui-même en même temps qu'il menace toute vie.

Comme dans la mythologie judéo-chrétienne, nous trouvons l'idée chez les Ojibwe que l'homme, par sa maladresse, s'est aliéné le monde naturel. Autrefois -un "autrefois" sans connotation temporelle- nous dit par exemple le mythe Ojibwe, l'homme et l'animal vivaient dans les mêmes villages, s'entraidant mutuellement (8), mais l'homme s'est comporté avec arrogance envers ses frères, il les a réduits en esclavage, et ceux-ci, après débat, ont pris parti de le laisser à lui-même et de faire, en quelque sorte, bande à part. L'homme Ojibwe, devenu chasseur, ne peut pourtant -sans égarement- se passer des autres "créatures", c'est d'elles qu'il apprend les lois naturelles nécessaires à sa survie:

"En premier, il yale monde physique ; en second, le monde des plantes ; en troisième, celui des animaux; enfin le monde humain. tous les quatre forment la vie, et ils sont si imbriqués q"u'i!s constituent une seule existence. Sans la totalité des quatre ordres, la vie et l'être seraient incomplets et inintelligibles. Aucune partie n'est autosuffisante ou complète, chacune n'a de signification, de sens et de fonction que dans le contexte global de la création.

La "philosophie sauvage" procède de la reconnaissance par l'homme "primitif" qu'il 33


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