La terre sacrée des Blackfeet

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Pas de bombes françaises sur le Nitassinan Le Nitassinan est le pays des Innuat. A l'est de ce territoire, le gouvernement canadien a mis une base militaire à la disposition de l'OTAN: Goose Bay, où des vols à basse altitude sont régulièrement effectués par les forces armées. L'organisation Innu Nation et les Innuat du Labrador s'opposent activement à ces exercices en occupant des pistes aériennes pour emPêcher l'envol des avions de combat supersoniques. Des dizaines d'Innuat ont été arrêtés, jugés et incarcérés à Terre-Neuve pour ces actions de protestation. Les vols à basse altitude menacent l'existence du peuple innu. En effet, les Innuat mènent depuis des siècles une vie seminomade: l'hiver, ils prennent leurs tentes et vont chasser à l'intérieur des terres; l'été, ils se rendent au bord de l'océan, dans les villages, pour échapper aux piqûres de mouches. En volant à basse altitude, les avions provoquent un bruit infernal qui effraie les troupeaux de caribous et les bancs de poissons qui fuient les territoires traditionnels de pêche et de chasse, ce qui provoque des disettes puisqu'il est impossible de pratiquer l'agriculture sur ces sols gelés. Les Innuat se trouvent alors en situation de dépendance alimentaire. La perturbation du mode traditionnel de subsistance a entraîné des effets psychologiques dramatiques se traduisant par l'alcoolisme, les violences conjugales et même par des suicides d'enfants. Qui plus est, des bombes sont larguées dans les forêts, de vastes territoires sont interdits à la circulation pédestre et les chasseurs innuat sont arrêtés pour défaut de permis de chasse!

L' OTAN justifiait ces exercices en invoquant sa tactique de défense contre une éventuelle attaque soviétique en Europe de l'Ouest. En cas d'invasion massive des armées conventionnelles du Pacte de Varso-

vie, supposées supérieures en quantité, les vols à basse altitude auraient retardé leur avancée, car ils permettent d'atteindre des objectifs derrière les lignes ennemies, puisque les avions, impossibles à repérer à si basse altitude par les réseaux de détection, ne subissent pas le feu des défenses antiaériennes lourdes.

Une logique aveugle Cependant cette tactique s'avère désormais obsolète. En premier lieu, les États du Pacte de Varsovie ont changé de régimes politiques et ne se posent plus en ennemis des forces occidentales. En second lieu, les opérations de ce type effectuées récemment en Irak et en Bosnie se sont révélées

extrêmement coûteuses, les avions volant à basse altitude étant mis à portée des platesformes mobiles de missiles sol-air. Le gouvernement canadien s'obstine néanmoins à poursuivre les exercices de vols à basse altitude pour compenser les coûts astronomiques de fonctionnement de la base de Goose Bay, sans prendre en compte les coûts humains et écologiques. Au début de l'année 1995, la presse de Terre-Neuve a annoncé triomphalement que la France, qui n'est pourtant pas membre de l'OTAN, allait participer à ces exercices. Inquiets de cette perspective, George Rich et Bart Penashue, représentants de /nnu Nation, se sont rendus à Paris le 4 avril 1995 pour alerter Nitassinan - CS/A. Ils ont été reçus au quai d'Orsay qui avait diligenté une enquête auprès du ministère de la Défense. Le représentant du ministère des Mfaires Etrangères les a assurés que le gouvernement canadien n'avait pas encore fait de demande officielle, que l'armée française n'avait aucune intention d'utiliser la base de Goose Bayet qu'enfin, la France ne désirait pas entrer en conflit avec le peuple innu. Rassurés, nos hôtes nous ont cependant demandé de continuer à informer l'opinion publique française, dans la mesure où des pays membres de l'Union Européenne, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne poursuivent leurs programmes de vols à basse altitude au-dessus du Nitassinan.

Fabrice Mignot (CSIA)

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