La révolte du Chiapas

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J.T. - Un peu les deux. Vous vous attendez aux choses mais vous êtes quand même surpris quand elles arrivent. Mais l'histoire nous a enseigné ce à quoi nous devions nous attendre ... Pour moi, l'histoire est faite d'une série de schémas compottementaux, c'est tout ce qu'elle est, au fond. Mais pout ce qui est de ma vie, oui, je m'y attendais, et oui, j'en ai été surpris.

N. - Avec le recul, quelle est ton analyse de l'action de l'AtM? J.T. - Cette expérience... ce fut plus que l'AIM, ce fut l'expérience globale de toute une commu- _ nauté qui a pris la parole à cette époque. Ce fut fait dans les tribus, dans l'AIM, dans les organisations politiques et de diverses manières. À mon avis, l'effet principal a été de renforcer la réalité culturelle et spirituelle à l'intérieur des tribus. Le monde matériel et physique a peu changé. la pauvreté et la répression sont là, sous de nombreuses formes, souvent extrêmes. Culture et spiritualité en ont été revitalisées et, en fin de compte, c'est le plus important. Car la répression a toujours été là, mais pour la première fois, la communauté dans son ensemble, au niveau national, a fait entendre sa voix. De cette expression, notre identité s'est trouvée renforcée. La répression a été le point de départ de cette prise de parole.

N. - Les forces de résistance ont-elle~ changé?

nos tactiques et nos façons d'aborder les choses. Car nous avons en face de nous une mentalité répressive. Il n'y a pas maintenant, aux États-Unis, d'organisation activiste militant à l'échelle nationale ... Parce que c'est trop dangereux !

N. - Et trop facile à frapper...

J.T. - Exactement. Car centraliser ainsi les choses, c'est s'adapter à un mode de structure issu de vos ennemis et non selon votre propre nature. Donc les choses doivent naturellement être autres, afin que nous puissions aborder les obstacles.

J.T. - Elles changeront toujours. C'est l'évolution. S'il y a une chose que nous avons apprise de notre expérience c'est que, à l'évidence, nous devons sans cesse changer

N. - Les élections de Clinton, des démocrates et même d'un sénateur Indien ont-elles changé quelque chose?

J.T. - Non. Tout le système politique est conçu pour donner l'illusion du changement, pas le changement lui-même. C'est un système d' oppression. Tout le système est basé sur la mentalité d'une petite classe dirigeante, ethnique, industrielle et riche. On peut faire changer les visages, cela ne change pas le système. Car les têtes, même nouvelles, doivent s'adapter au système pour accéder aux postes dirigeants. Pour moi, des Clinton sont probablement plus dangereux que des Bush ou Reagan: en effet, ils se font passer pour l'un des vôtres pour mieux mentir. Des gens comme Bush n'étaient pas « des nôtres », ainsi c'était clair et les mensonges évidents. Aux ÉtatsUnis, bien que les gens désespèrent de ne plus croire en rien, ils ne sont pas encore assez désespérés pour agir. Il y a une redistribution des richesses dans le monde qui consolide les positions et la richesse de cette classe ethnique fortunée ... Et au diable les autres! Si ces {{ autres» n'apprécient pas, l'arsenallégislatif est là, prêt à la répression. Il n'y a pas de droits. Ils créent ce que j'appelle le {{ neon thieftem ».•. les ({ ténèbres au néon ». Le fait qu'il y ait des sans-abri, des gens à qui sont déniés les droits élémentaires, ça a toujours été. Si l'on regarde l'histoire de l'Europe, il y a eu régulièrement des masses de gens n'ayant aucun endroit pour vivre et réduits à « survivre )}. En Europe, à Paris, Londres ... la même chose se répète.

N. - Aux USA, lors de pow-wow, certains Amérindiens, souvent des vétérans du Vietnam, saluent le drapeau et les bannières avec respect. Que penses-tu de cette attitude ?

J.T. - J'en pense que ça existe, mais je ne crois pas que ce soit une position majoritaire dans notre communauté. Pour ce qui est des vétérans, je crois que l'expérience qu'ils ont vécue là-bas les a contraints à croire à quelque chose. Juste pour survivre. Je trouve ça dommage, mais ça existe...

N. -Je pense que ce qui a choqué ceux qui en ont été témoins était surtout que ça se passe pendant un pow-wow...

J.T. - Non, j'aime autant que ça se passe là que dans une quelconque légion ou une brigade de vigiles. Un pow-wow est le lieu où les gens se rassemblent... Ils ont le droit d'exprimer leurs vues, qu'on soit d'accord ou non. Mais cela ne fait pas nécessairement d'eux des ennemis, cela ne signifie pas qu'ils soient {( contre nous ». Ce sont

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