La révolte du Chiapas

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Solidarité indienne Nord-Sud Dans un artide publié par Indian Country Today le 26 janvier 1994, Winonll Lllduke, IIctiviste O,mwlly et journllliste originaire de III réserve de White Ellrth, exprime les préoccuplltions des Indiens nord-lIméricains, notllmment ceux du Minnesotll, fllce fi III violence qui déchire le Mexique et leur solidarité IIvec III lutte des Indiens du Chillplls. Elle dénonce ici l'Accord de Libre Échllnge Nord-Américllin (ALENA), clluse profonde de III révolte. Au Mexique, des Indiens sont tués pour avoir tenté de protéger leurs terres. Il est du devoir des représentants du Minnesota au Congrès de demander au Président Clinton d'intervenir diplomatiquement afin d'empêcher l'armée mexicaine d'exterminer les Indigènes qui protestent contre leurs mauvaises conditions de vie et la perte de la protection que la Constitution garantissait ,.. à leurs terres. Le sénateur Wellstone, le député Peterson, et tous ceux qui se sont si fortement opposés à l'Accord de Libre Échange NordAméricain (ALENA) devraient reconnaître que c'est là une conséquence de l'accord et poursuivre une opposition de principe en s'élevaht contre les atteintes aux Droits de l'Homme, telles qu'elles sont maintenant démontrées par ces événements. Depuis le premier jour de l'année, les Indiens de l'État du Chiapas se sont soulevés pour attirer \' attention sur leur situation. Dans la seconde semaine de janvier, ils avaient pris le contrôle d'une partie du Chiapas. La rébellion a coûté des centaines de vies humaines, surtout parmi les populations locales. N'est-ce pas là cher payer pour la liberté du commerce ?

Quand les Indiens tentent de revenir, ils sont écrasés par une poigne de fer. Au Chiapas, durant ces deux dernières années, on estime que 6000 Indiens ont été arrêtés et emprisonnés.

L'ALE NA, un problème du Nord au Sud Au Mexique, le changement dans le régime de propriété des terres permet aux individus de vendre leurs terres et autorise la privatisation des terres tenues en commun.

La question des terres La première cause du soulèvement est un changement unilatéral de la Constitution mexicaine, imposé par le gouvernement Salinas pour se conformer à l'ALENA. Ce changement autorise la vente de terres traditionnellement détenues par des communautés indigènes, transformant de nombreux Indiens en réfugiés. A la suite de la révolution mexicaine, la réforme agraire avait établi le système des ejidos selon lequel chacun avait droit à une parcelle de terre. Salinas a aboli ce système, en vue de l'ALENA. Des milliers de personnes sont chassées de leurs terres. Quinze mille d'entre elles sont des Indiens, en majorité des Chamula du Chiapas. Ils ont commencé à s'installer à la périphérie de villes comme San Cristobal, dans ce qui est maintenant connu comme la ({ ceinture de la misère ». Ce sont les «expulsés de l'ALENA» comme ils se nomment eux-mêmes.

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Winono loduke Le {( White Earth Land Recovery Program }) (1) apporte s~n soutien aux peuples indigènes en lutte contre l'ALENA. L'effet à long terme de la perte de leurs terres sera-la destruction à la fois culturelle et physique de ces peuples. Une loi semblable, appelée « Nelson Act », avait été adoptée il y a un siècle pour la réserve de White Earth. Ce décret illégal du gouvernement américain faisait éclater la réserve en parcelles de terres individuelles appelées « lots ». Ces lots furent perdus à cause des taxes à payer, de la vente, de la confiscation et du vol. Au final, 90% de nos terres sont passées aux mains des non-Indiens. Les trois-quarts de ~otre peuple sont devenus des réfugiés et trois générations ont été maintenues dans la pauvreté. A l'échelon national, une loi semblable, le « General Allotment Act}) de 1889 (partage des terres tribales en lots

individuels) a eu pour conséquence la perte des deux tiers des terres des réserves des États-Unis. Les Indigènes d'Amérique du Nord comprennent fort bien ce qui se passe au Mexique. Nous l'avons nous-mêmes vécu et c'est la cause de beaucoup de nos problèmes. Des leaders nationaux des peuples indigènes du Canada ont demandé au gouvernement canadien d'intervenir diplomatiquement. Le 7 janvier à Ottawa, Ovide Mercredi, grand chef de l'Assemblée des Premières Nations, a critiqué le gouvernement mexicain pour sa répression impitoyable de l'insurrection zapatiste. « Nous comprenons les origines de la violence et je peux dire que vouloir mettre fin à la violence par une violence supérieure, en excluant la justice, n'est pas une solution }) a déclaré M. Mercredi. Il qualifie les actions du gouvernement mexicain contre les Indiens, dont des tirs de rockets et des attaques aériennes sur une zone peuplée à 70% d'Indigènes, d' « escalade dans la violence », et il remarque que ces actions révélaient « l'intention du gouvernement d'anéantir toute résistance ». Ovide Mercredi, Ron George, président du Conseil des Indigènes du Canada, et d'autres personnes ont manifesté à l'ambassade du Mexique à Ottawa, protestant contre le bombardement des villages jugé comme réponse inappropriée aux revendications territoriales. Des leaders indigènes des État-Unis ont également demandé que le gouvernement américain 5' oppose aux violations des Droits de l'Homme perpétrées pour mettre en œuvre l'ALENA. Alors que les Nations-Unies proclamaient récemment une Décennie des Peuples Indigènes, le Minnesota et les représentimts nationaux qui se sont si fortement et si courageusement opposés à l'ALENA doivent rester fermes sur ces principes et poursuivre leur combat pour la paix et la justice.

Traduction: Monique Hameau (I) dont Winona Laduke est directrice


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