La révolte du Chiapas

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Détournement de /'aide américain) Dans cette lettre ouverte au Président Clinton du 13 janvier 1994, publiée par le journal mexicain La Jordana, les insurgés du Chiapas dénoncent l'utilisation par le gouvernement mexicain d'armes américaines destinées àla lutte contre le narcotralic pour réprimer les populations civiles. A Monsieur Bill Clinton, Président des États-Unis d'Amérique, Au Congrès américain, Au peuple des États-Unis d'Amérique Messieurs, Nous nous adressons à vous pour vous faire savoir que le gouvernement fédéral mexicain utilise l'aide économique et militaire-qu'il reçoit du peuple et du gouvernement des États-Unis d'Amérique pour massacrer les Indiens du Chiapas. Nous souhaiterions savoir si le Congrès américain et le peuple des États-Unis d'Amérique approuvent le détournement de cette aide militaire et économique destinée à combattre le trafic de drogue et qui assassine aujourd'hui les Indiens dans le sud-est du Mexique. Troupes, avions, hélicoptères, radars, appareils de cQmmunication, armes et équipement militaires servent non pas à poursuivre les narcotrafiquants et les grands chefs des mafias de la drogue, mais à réprimer le juste combat du peuple mexi-

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La revue Volcans est éditée par un collectif d'associations regroupant: le Comité de coopération scientifique et technique France-Nicaragua, le Comité de solidarité avec le Nicaragua (CSN), le Comité de solidarité avec le peuple du Salvador (COSOPES), Enfants du S"alvador, Information Mexique, Solidarité Oscar Romero. Volcans est une publication de qualité ayant pour but d'informer le public et les militants français sur l'actualité et la solidarité en Amérique centrale et dans les Caraïbes.

Contactez: EDREV (Edition Diffusion de la revue Volcans), 14 rue de Nanteuil, 75015 Paris. Nous vous recommandons la lecture du nOlO dont la Une est consacrée aux événements du Chiapas : « Pour la terre et la liberté ».

cain et des Indiens du Chiapas et à assassiner des hommes, des femmes et des enfants innocents. Pour notre part, nous ne recevons l'aide d'aucun gouvernement, individu ou organisme étrangers. Nous n'avons aucun lien avec le trafic de drogue ou le terrorisme national ou international. Nous faisons face seuls pour remédier à nos immenses difficultés. Nous sommes las de tant d'années de mensonges et de mort. Nous sommes en droit de lutter dignement pour notre vie. Nous avons toujours respecté les lois internationales de la guerre, en épargnant les civils. En offrant leur soutien au gouvernement mexicain, le peuple et le gouvernement américains ont les mains tachées de sang indien. Nous aspirons, comme tous les peuples du monde, à une liberté et à une démocratie véritables. Nous sommes prêts à donner notre vie pour y parvenir. Ne vous tachez pas les mains avec notre sang en vous rendant complices du gouvernement mexicain. Rédigé dans les montagnes du sud-est meX1calll

Le Comité clandestin révolutionnaire indien. Le Commandement général de l'Armée zapatiste de libération nationale, Mexique, janvier 1994.

SACRED RUN Suite à l'annulation de la course en Afrique du Sud, Dennis Banks et son équipe auraient décidé de porter le message de la S.R. au sud du Mexique et au Guatemela... Asuwre...

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Le Maïs et le {( nouvel ordre» La récente explosion zapatiste dans l'État du Chiapas, au Mexique, ainsi que les luttes indiennes et paysannes au Guatemala ont pour toile de fond commune les vastes restructurations qu'impose le « nouvel ordre économique mondial ». Dans les deux cas, il s'agit d'une lutte implacable pour la terre, d'un projet de développement capitaliste sauvage pour les uns, d'une question de survie pour les autres. Même s'ils ne suivent guère les aléas des grandes stratégies économiques, Indiens et paysans, laissés-pour-compte du progrès et de la modernisation, perçoivent fort bien « à quelle sauce on voudrait les manger )'. Au Mexique, la réforme constitutionnelle, en particulier sur l'ejido (une des formes de la propriété sociale de la terre, conquête majeure de la révolution de 1910-1920, synonyme de réforme agraire) promulguée le 6 janvier 1992, libéralise le marché de la terre dans l'esprit de l'Accord de libreéchange nord-américain (ALENA). Cette privatisation entraînera, à terme, l'expulsion des petits paysans. Au Guatemala, le projet de la frange transversale nord (FTN) relève d'une logique du même type. Pour bien comprendre les enjeux de la période pour les « hommes de maïs» que demeurent les Indiens, il n'est pas inutile de rappeler un extrait du document dit de Santa-Fé II (1), définissant la politique des États-Unis pour les années 90 à l'égard de l'Amérique latine: « La terre, le climat et les coûts relatifS de la maind' œuvre et de la technologie donnent aux Étas-Unis l'avantage, en matière de coûts de production pour les céréales et les grains, sur le Mexique, l'Amérique centrale et les Caraïbes (... ). Pourtant, le maïs et le haricot en grain sont des produits de base dans nombre de ces pays. Les petits agriculteurs du Guatemala et du Costa-Rica pourraient obtenir de meilleurs gains s'ils se transformaient en producteurs de melons, d'asperges, de framboises, etc. pour les vendre aux États-Unis et pouvoir acheter du maïs importé des États-Unis (...) » Maurice Lemoine (article paru dans le Monde Diplomatique ,février 1994) (J) Document dit de Santa-Fé Il, Une stratégie envers l'Amérique pour les années 90, proposition n° 6 de 14 stratégie économique, DIAL n°1369, Paris, février 1989.


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