La révolte du Chiapas

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Résistance amérindienne Bobby Castillo, de la Nation Apache, grande figure des luttes amérindiennes, membre de l'American Indian Movement et porte-parole international de Leonard Peltier, est venu en février dernier à Paris après s'être rendu à la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU à Genève. Nitassinan-CSIA avait organisé une conférence au cours de laquelle Bobby Castillo a abordé de nombreux sujets, parmi lesquels les événements du Chiapas. Nous vous proposons ici un extrait de son discours. En 1992, nous avions espéré que les choses allaient vraiment changer. Nous avions cru que toutes les manifestations et tout le travail qui avaient été faits contre les célébrations en l'honneur de Christophe Colomb attirerait suffisamment l'attention sur le sort des Amérindiens pour faire advenir ce changement. Mais ce qui s'est véritablement passé en 1992, c'est que les États-Unis ont adopté une loi qui stipulait qu'ils pouvaient en finir avec n'importe quelle tribu, même s'il existe un traité avec elle. A la même période, le Mexique a adopté l'article 27 de sa Constitution selon lequel le gouvernement peut s'emparer de n'importe quelle terre indienne lorsqu'il le désire. Cela a abouti à la création de l'Accord de Libre Échange NordAméricain qui garantit qu'il y a toujours de <<nouvelles frontières» (1) à conquérir et à exploiter, des terres qui sont encore aujourd'hui des possessions indiennes. L'année 1993 a été déclarée «Année internationale des peuples indigènes» par les Nations Unies, pourtant cela n'arien changé. Et c'est le 1er janvier 1994 que l'ALENA est entré en vigueur. Les Zapatistes, le peuple Maya-Lacandon du Mexique, ont très bien compris ce que cet accord signifiait. Ils l'ont aussi bien compris car au Mexique il y a 26 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon les critères de la Banque Mondiale. Dans la ville de Mexico, vous pouvez voir des millions de personnes, et je ne parle pas de centaines ou de milliers, mais véritablement de millions de personnes qui font les poubelles pour essayer de trouver de la

nourriture pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Lorsquè vous les dévisagez et que vous regardez au fond de leurs yeux, vous voyez que ce sont tous des Indiens. Nous ne pouvons pas à proprement parler survivre aux cinq cent années à venir. Et je me demande parfois si nous survivrons aux cent prochaines années. Nous avons un droit à l'existence comme tout autre peuple, mais que ce soit à Pine Ridge, à Big Mountain, au Mexique, au Guatemala, à Belize, en Équateur ou ailleurs, il est très difficile de nourrir nos enfants, nos familles. Au Mexique, une poignée de per-"sonnes possède la majorité des terres et les Indiens sont forcés de cultiver pour ces

propriétaires. Ils sont obligés de cultiver ce que ces propriétaires désirent et non pas le maïs, le haricot ou la courge qui sont leurs cultures traditionnelles de subsistance. Ils doivent produire du café, des bananes, ou d'autres denrées d'exportation, ces mêmes produits que vous trouvez sur vos marchés, qui vous inondent, que vous achetez en grande quantité et que vous laissez parfois pourrir dans vos cuisines. J'étais récemment aux Nations Unies. Au sujet de l'affaire du Chiapas, que va-t-il se passer? Ils vont peut-être passer une résolution ? ils vont pondre des bouts de papier,

mais ce papier, ce n'est rien, ce ne sont pas des tortillas (2), et ce n'est pas avec cela que nous allons nourrir nos peuples. Tout ça n'est que langue de bois!

La révolution mexicaine Au début de ce siècle, il y eut une révolution au Mexique, qui réclamait une réforme agraire, une vraie lutte indienne. Cette révolution était en fait composée d'Indiens qui avaient décidé de reprendre en main leur territoire, de reconquérir les terres auxquelles ils avaient droit. Deux noms de combattants sont restés célèbres: dans le Nord celui d'un Indien Yaqui, Dualito Durango, plus connu en tant que Pancho Villa, et dans le Sud, celui d'un Indien Nahuat!, Emiliano Zapata. Ces deux personnages se sont battus en faveur des Ihdiens et se sont rencontrés en prison, tout comme Russel Means et Dennis Banks (3). Ils avaient compris qu'il leur fallait créer de meilleures conditions de vie pour leurs enfants, alors ils se sont lancés dans une révolution. En 1917, les États-Unis ont envahi le Mexique en envoyant des troupes de l'armée fédérale commandées par le . général Pershing pour mater cette révolte. En fait, les USA voulaient s'assurer que cette révolution tournerait coutt car toute leur économie était basée sur l'exploitation des richesses de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale. Ils ont fait assassiner Pancho Villa ainsi qu'Emiliano Zapata. Ce dernier fut tué alors qu'il se rendait au palais présidentiel mexicain où il avait été invité. Depuis le président Lazaro Cardenas, le père de Cuauthemoc Cardenas {celui-là

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