Quel avenir pour le peuple innu ?

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roman

Le neveu d'Amérique Luis Sepulveda, dans Le neveu d'Amérique, tente de percer les profondeurs du mystère sud-américain. Il s'interroge, au cours d'un voyage erratique, sur les fondements des identités de ce continent riche en contrastes et sur la sienne en particulier. Réfugié à Hambourg, militant écologiste, il conc/ut que « l'on est de là où on se sent bien ». Et pour lui, c'est la Patagonie, pays où s'est déroulé l'un des plus grands génocides - méconnu - de l'histoire moderne, dont les victimes furent les Indiens ona, yagan, selknam, alacalufe, mapuche ...

Le neveu d'Amérique semble, de prime abord, un roman décousu. Luis Sepulveda, dans la préface intitulée "note sur ces notes", nous invite à croire que ce roman n'est effectivement qu'un ramassis de morceaux de papiers annotés, oubliés sur des étagères. Mais nous estimerons volontiers qu'un exilé, toujours en instance de départ, ne conserve que des papiers importants. Ces notes constituent en effet un chef-d'oeuvre littéraire. Chacun des chapîtres s'articule autour d'une anecdote humoristique. Mais ces anecdotes souvent hilarantes s'inscrivent, au mieux, dans des conditions climatiques difficiles, au pire, dans un contexte de répression abominable. Cette succession, sans queue ni tête, des tableaux sud-américains aigresdoux rappelle l'attraction-répulsion qu'exerçait l'Amérique sur les esprits européens du XVII' siècle. Luis Sepulveda s'évertue à nous conduire sur de fausses pistes, qui résument son ptopre voyage initiatique. Il a structuré le toman en quatre parties. Dans la première, "notes sur un voyage à nulle part", il suit la route du Che, mais comme Chilien au Chili. Dans la deuxième, "notes sur un voyage d'aller", fuyant le Chili de la dictature, il se perd en Amérique du sud. Dans la troisième, "notes sur un voyage de retour", il recherche en Patagonie les traces de Butch Cassidy et de Sundance Kid, les célèbres justiciers pilleurs de banque. Dans la dernière enfin, "notes sur l'arrivée", il est reconnu comme le "neveu d'Amérique" dans le village originel de son grand-père espagnol.

Néo-conquistadors mégalomanes Pourquoi ces détours compliqués? Son grand-père, anarchiste andalou émigré au

Chili, l'éduque à la subversion et lui fait jurer de se rendre dans son village en Espagne. Le fil du roman suit cette ptomesse. Pourtant, l'Espagne reste étrangère à l'auteur qui ne lui consacre qu'un chapître. La Patagonie par contre, qu'il a déjà évoquée dans son roman Le monde du bout du monde, occupe la moitié du Neveu d'Amé-

rique. Militant communiste, Luis Sepulveda a été libéré sur intervention d'Amnesry International, après avoir été horriblement torturé par un officier. Il est alors confronté de plein fouet à l'Amérique des néo-conquistadors : des fous mystiques et mégalomanes qui ont imposé au continent l'empreinte d'une bureaucratie kafkaïenne. Sorti de la geôle, il s'aperçoit que le continent est une immense prison et son passeport, marqué d'une lettre mystérieuse à l'encre rouge, lui vaut partout les pires ennuis.

La peur refroidit les hommes loquaces. Quand les soldats surgissent, les Indiens boliviens se changent en statues de sel. Même les bonzes adeptes de Krishna, martiens égarés en Amérique du sud, se font tabasser par les enragés en uniforme. Les curés interdisent le cinéma aux prostituées dans le moindre coin perdu d'Équateur. Le paroxysme du délire est atteint lorsque l'auteur faillit être marié de force à la descendante d'un conquistador du XVI' siècle, en raison de ses origines espagnoles et malgré le sang indien qui coule dans ses veines. Heureusement, il est sauvé par des métayers indiens, d'une clairvoyance remarquable, quant à leur condition et à la paranoïa machiste des dirigeants créoles d'Équateur. Après cet épisode, Sepulveda bascule sans transition dans la troisième partie, c'est-à-dire chez les Indiens de Patagonie. Il a passé sous silence son exil en Allemagne, Greenpeace, les reportages écologistes, les changements politiques en Amérique du sud ... Il lui faut vérifier que les Indiens de chez lui étaient aussi avisés que ceux d'Équateur, face aux prétentions des néo-conquistadors. Il rencontre très vite un Patagon mapuche, issu de la "nation des premiers guérilleros d'Amérique", et aussi la dernière conquise après quatre siècles d'une guerre motivée par les rumeurs sur l'or de Patagonie. L'esprit de cette résistance persiste ... Quand la dictature militaire tente de réprimer un professeur qui refusait de chanter l'hymne des militaires, les Patagons écrivent aux soldats: « Crétins, vous ne voyez pas que vous êtes cernés? Vous à l'intérieur de la caserne et nous dehors. » Action couronnée de succès. Côté argentin, les militaires ont rendu sourd

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