92, quelle "découverte" ?

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Les prétendues communautés nationales Ce li vre pourtant, tout en tenant compte de la complexité des problèmes soulevés, restera critique à l'égard des gouvernements et de leurs tentatives pour prendre au piège les citoyens ordinaires, par le biais de la politique et de la culture, pour les enfermer dans une gigantesque toile d'araignée, celle de l'allégeance à de prétendues communautés nationales, qui font passer leur intérêt pour de l'intérêt général. Je m'efforcerai de ne pas sous-estimer les cruautés dont les victimes sont capables les unes envers les autres lorsqu'elles sont coincées ensemble dans les wagons à bestiaux du système. Je ne cherche pas à donner de ces victimes une image romantique. Mais je n'oublie pas non plus cette phrase que j'ai lue il y a longtemps et que je cite de mémoire: "Les cris de douleur des pauvres gens n'impliquent pas forcément qu'ils sont des justes, mais si on les ignore, jamais on ne saura ce qu'est vraiment la justice".

Chercher notre avenir dans le passé "méconnu" Je ne veux pas attribuer à des mouvements populaires des victoires imaginaires. Mais croire que la seule raison d'être de l'historien est de faire la liste des échecs du passé, revient à le transformer en collaborateur d'un cycle de défaites sans fin. Si par contre on pense que l 'histoire est créatrice, qu'elle a pour tâche de se tourner vers l'avenir en tirant les leçons du passé, l 'historien doit à mon avis chercher à mettre en lumière les possibilités nouvelles qui s'offrent à nous en révélant les épisodes mal connus du passé, les épisodes même très brefs, où les peuples ont manifesté leur capacité à résister, à s'unir, et parfois à remporter la victoire. Je pose comme principe -et peut-être n'est-ce qu'un espoir- que notre avenir est à lire dans les rares épisodes du passé, où c'est la compassion qui a dominé, plutôt que dans les siècles et les siècles de guerre.

Telle est, je le dis tout net, ma façon d'aborder l 'histoire des Etats-Unis. Il vaut mieux que le lecteur le sache avant d'aller plus loin.

Ce que Colomb a fait subir aux Arawak des Bahamas, Cortès l'a fait subir aux Aztèques du Mexique, Pizarre aux Inca du Pérou, et les colons de Virginie et du Massachusetts aux Powhatan et aux Pequot. La civilisation aztèque était l'héritière des cultures maya, zapotèque et toltèque. Elle a construit des :nonuments gigantesques avec des outils de pierre , ~ "'1f~ur des hommes ; elle avait un système -.; ...;Cf1'_.~ ~t un clergé. N'oublions pas non plus qu'elle aurait "sacrifié" des milliers de personnes. Mais la dureté des Aztèques n'excluait pas une certaine naïveté : lorsque la flotte espagnole se présenta à Vera Cruz, et qu'ils virent débarquer un homme blanc et barbu, tout habillé de métal, accompagné d'animaux très étranges (des chevaux), les indigènes pensèrent qu'il s'agissait du mystérieux Quetzalcoatl, l 'homme-dieu de leur légende, celui qui était mort trois cents ans plus tôt en leur promettant de revenir. Ils lui firent donc bon accueil, et le reçurent avec magnificence.

Les crimes de Cortès, mercenaire béni Cet homme, en fait, venait d'Espagne et s'appelait Hernando Cortès. Son expédition, financée par des marchands et des propriétaires terriens, était bénie par les représentants de Dieu. Il n'avait qu'un but, un seul: trouver de l'or. Le roi des Aztèques, Montezuma, ne croyait sans doute pas qu'il s'agissait de Quetzalcoatl. En effet, tout en lui dépêchant cent coureurs avec des trésors innombrables, des objets d'or et d'argent d'une beauté éblouissante, il le pria quand même de s'en retourner. (Quelques années plus tard, Dürer 11


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