Prisonniers du rêve américain

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Ecrire pour s'en sortir « Pour les Amérindiens en prison, la survie passe surtout par la lutte pour préserver leurs droits religieux et leur identité culturelle. Cest une lutte de tous les instants. Chaque mot prononcé, chaque geste est un combat Un combat pour ne pas se laisser enfermer davantage dans un silence qui autorise l'arbitraire. La prison est un lieu d'anéantissement On continue à exister sans chaleur, sans couleurs, sans caresses, sans partage, sans larmes. La prison ne se raconte pas, elle se vit» (extrait d'une lettre de prisonnier amérindien, de même que le texte anonyme ci-dessous). « Les gens en prison ne pourront être sauvés que s'il se trouve d'autres gens pour partager Jeur sort et ce n'est pas l'admnistration qui les fournira. Il reste alors la solution que les prisonniers se sauvent eux-mêmes, collectivement»

Le pouvoir de témoigner J

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e m'appelle P. Je purge depuis 1986 une peine de 50 années d'emprisonnement. Dès mon arrivée en prison, j'ai été confronté à une expérience de « déshumanisation ". Tout le monde porte la même combinaison. Il n'y a plus d'individus. C'est la première étape du processus. Les gardiens vous considèrent comme du bétail. Ils vous préparent à la réalité du monde carcéral. Ici, vous n'avez aucun droit. Vous êtes un numéro et vous êtes traité en tant que tel. Ils vous gardent un mois et ensuite vous dirigent vers la prison appropriée à votre cas. J'ai donc été envoyé dans un pénitencier d'État. La discipline y est la même pour tous, quelle que soit la couleur de la peau. Quand l'administration pénitentiaire prend une sanction, elle l'applique à l'ensemble des prisonniers et pas seulement à ceux qui ont causé des problèmes. Il s'agit d'une punition collective. Et même si des règles interdisent son application, l'administration des prisons perpétue ces pratiques. Chaque nouvel arrivant est informé des pratiques religieuses chrétiennes et musulmanes. Les religions amérindiennes ne sont jamais évoquées. Si vous êtes sourd, on vous donne des cours et une télévision spécialement conçus pour les malentendants. Par contre, si vous ne parIez pas anglais, on vous laisse de côté. On peut trouver un aumônier ou un imam mais personne pour les prisonniers indiens. Comme beaucoup d'entre nous, je suis arrivé en prison avec peu de connaissances sur notre religion et sur ce que nous pouvions obtenir. J'ai reçu toutes sortes d'informations sur les autres religions ou sur les modes de transmission du SIDA, mais je n'ai jamais su à quoi je pouvais prétendre et quels étaient mes droits en tant qu'Amérindien. On m'a

volé toute humanité et on m'a préparé à être seul. Au pénitencier d'État, j'ai passé mes premières heures dans une cellule insalubre. La peinture était écaillée, la cuvette sanitaire rouillée et poisseuse. Même s'il n'y avait ni punaises ni rats, j'ai senti peser tout le poids de ma condamnation. J'ai été ensuite transféré vers une autre cellule qui n'était guère mieux. Nous étions en décembre et il faisait très froid. Seule une malheureuse vitre nous protégeait de la température extérieure. Après trois semaines de ce régime, j'ai obtenu un boulot à la bibliothèque de la prison et j'ai été placé dans une cellule avec chauffage central et air conditionné. Au pénitencier, à mon arrivée, j'étais le seul Amérindien dans la cour. Les autres ne pouvaient pas sortir pour une raison ou une autre. La sweat lodge1 a été la première chose que j'ai vue. Elle se trouvait devant la chapelle. Quand j'étais enfant, on m'avait enseigné qu'il fallait être invité pour participer à une cérémonie. Alors j'ai attendu ... Quand, un jour, j'ai découvert qui se trouvait dans la sweat lodge, j'ai été choqué. Parmi la douzaine de détenus qui se trouvaient à l'intérieur, aucun d'entre eux n'était d'origine amérindienne. Finalement, des Amérindiens ont pu sortir de nouveau de leurs cellules tandis que d'autres sont arrivés au pénitencier. Certains d'entre eux étaient des parents, originaires de ma réserve. Durant pratiquement toute ma vie, je n'avais jamais eu de contacts avec des membres de ma tribu et je me suis retrouvé tout d'un coup parmi eux. Dès le début, on m'a accepté et personne ne m'a demandé les raisons pour lesquelles je me trouvaÎs ici. J'étais Amérindien, c'est tout ce qui comptait. Quand nous avons été suffisamment nombreux, nous avons repris

possession de la lodge. Pas par la force seulement par notre simple présence e notre volonté. Nous n'avons pas fait 1: guerre aux Blancs et ceux qui manifes taient le souhait de rester l'ont fait. Avant mon arrivée, certains frère s'étaient battus pour obtenir des droit concernant la sweat lodge. Ils ont port plainte contre l'État afin de pouvoÎr prie comme les Blancs et les Noirs. Touœfoi les medecine men ne sont pas autorisés venir officier en prison aussi souvent qt les représentants des autres religions. l pasteur est présent en permanence, l prêtre cinq jours par semaine et un ima au moins une fois par semaine. Si t Amérindien a des problèmes, les aum niers sont censés l'aider. Le Native Ame can Religion Consultant peut venir qua fois par an. Un observateur est consta ment présent lors des cérémon


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