Mexique : Autonomie indigène

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n'importe quelle société qui cherche à vivre dignement. C'est un droit universel et je pense que c'est quelque chose que les sociétés indigènes peuvent apporter à la société occidentale. Il y a un ensemble de droits dans l'exercice du droit à l'autodétermination : l'éducation, la santé, l'élaboration d'un programme de développement et les lois que nous voulons élaborer et qui sont respectées chez nous, ]' application de notre propre forme de justice. C'est cet ensemble d'éléments qui constitue le droit à l'autodétermination.

Quels sont les points principaux des accords de San Andrés? Un ensemble d'accords a été signé. Certains dossiers en sont restés au niveau des propositions, d'autres ont donné lieu a des accords. Un point fondamental est la réforme de l'article 27 de la Constitution mexicaine. Mais le Gouvernement mexicain ne veut pas en entendre parler, car cet article fait référence à la possession de la terre et, vu la pression de la fInance internationale et la pression du Gouvernement pour signer l'accord de libre échange entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, le président du Mexique de l'époque, Carlos Salinas de Gortari, a été obligé de proposer une modification de cet article de telle manière que les terres indigènes puissent devenir une marchandise, être vendues et être aliénées au capital étranger. L'EZLN et les peuples indigènes du Mexique ont réagi contre cette décision du gouvernement d'introduire une telle réforme néolibérale. Nous voulons faire ce qu'avait réussi à obtenir Emiliano Zapata en 1917, c'est-à-dire la reconnaissance de l'inaliénabilité des terres communautaires et de la possession collective de la terre. L'arrivée du néolibéralisme devient pour le Mexique un problème très, très grave. En particulier pour les communautés indigènes, cela signifie la perte totale de leurs terres collectives. La nouvelle organisation économique néolibérale cherche à exploiter le sol, les eaux, dans le seul but d'en tirer le maximum de bénéfice. Nous, en tant qu'Indiens, sommes tout à fait contre ce principe, parce qu'il va à l'encontre de notre éthique, de notre forme d'organisation et de nos rapports avec la terre, qu'il s'oppose à notre cosmovision. Nous n'avons pas un rapport mercantile avec la terre. Nous pensons que la commercialisation de la terre n'est pas la seule forme de relations que l'on puisse avoir avec notre Mère la Terre. Cette vision mercantiliste de la terre la détruit. C est à partir de notre culture indigène que nous, nous pouvons

vraiment analyser quelle est la forme de relations que l'homme peut avoir avec la terrc. Je ne parle pas uniquement pour les Indiens mais pour l'humanité entière. Je crois que c'est un problème très grave qui va au-delà de la dispute sur un article de la Constitution mexicaine. C'est un problème planétaire. Cependant, l'article 27 de la Constitution mexicaine est l'un des points que le Gouvernement n'a pas voulu discuter avec l'EZLN, comme il ne veut pas non plus traiter des droits économiques et politiques des Indiens. Mais nous pensons que les accords de San Andrés sont quand même un progrès parce que le Gouvernement reconnaît que ses rapports avec les peuples indiens ont été jusqu'à présent complètement inégalitaires, qu'il a eu une attitude de marginalisation, de discrimination, d'exclusion envers les Indiens. Le changement politique, la transition vers la démocratie ne peut pas avoir lieu avec les lois existant actuellement et dans le cadre du développement économique prédominant au Mexique. Il faut qu'il y ait les conditions pour que le changement soit possible. Nous sommes conscients que ce changement souhaité n'est pas possible sans que de larges couches de la société mexicaine s'intègrent dans cette lutte. Cest pourquoi nous demandons une nouvelle Assemblée C'omtitutlnte et une nouvelle Constitution.

Dans quelle mesure le Gouvernement mexicain est-il disposé à honorer les accords de San Andrés? Durant les deux derniers mois après l'organisation du Congrès Ntltiontll Indigène, le Gouvernement est entré dans un processus d'impasse où le dialogue n'avançait pas, parce que l'EZLN exigeait l'application des accords de San Andrés. Une partie importante des accords est la reconnaissance constitutionnelle des droits des peuples

Fresque de soutien aux zapatistes à Mexico, 1995.

indigènes. Principalement le droit à la libre détermination et à l'autonomie. Cela implique évidemment d'introduire des modifIcations dans la Constitution mnicaine, et cela est en discussion actuellement à San Cristobal de Las Casas. Si le Gouvernement mexicain se montre prêt à établir un nouveau rapport avec les peuples indiens, je pense que l'EZLN sera disposée à revenir à la table de dialogue. Mais le Gouvernement n'est absolument pas disposé à discuter de la démocratie directe de la société indienne. Les populations indigènes vivent dans une grande marginalité. Elles connaissent le plus haut taux de mortalité infantile du pays. Les enfants meurent de maladies curables. Ce problème s'avère plus aigu dans les communautés qui sont les plus éloignées des grands centres de population. Mais les problèmes les plus graves que sont en train de vivre les communautés indigènes, c'est la militarisation, la persécution, le harcèlement fe, militaire et policier. C'est vrai surtout pour les communautés qui ont manifesté leur sympathie et leur soutien à la lutte des zapatisres, parce que les membres des communautés zapatistes appartiennent à tolites les populations indiennes du Mexique.

Quels sont les liens du Congrès National Indigène (eNI) avec d'autres organisations autochtones, de l'Amérique latine, des États-Unis, dtt Canada, et de celles-ci avec l'EZLN ? Le CNI est une organisation relativement nouvelle dont la création date du mois d'octobre. Au mois de novembre nous avons eu une assemblée générale où nous avons commencé à désigner des groupes de travail chargés de prendre contact avec d'autres organisations, et cela commence à peine. Certaines organisations indigènes du Canada, des de r Alaska et d'autres pays d'Amérique latine ont engagé


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