Mexique : Autonomie indigène

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diennes. Les seuls avantages pour la population vinrent avec le Congrès de Chilpancingo (1813) et la Constitution d'Apatzingan (1814) qui supprimèrent l'esclavage et les différences statutaires entre les descendants d'Européens, les Métis et les Indiens. L'état mexicain mena une politique d'assimilation vis-à-vis des communautés autochtones dont l'existence lui semblait constituer un frein à l'essor économique.

Vers la révolution Plusieurs Amérindiens marquèrent l'histoire du Mexique. Benito Juârez (zapotèque) mena une lutte victorieuse contre les troupes impériales françaises. Il devint, par la suite, le président de la fédération mexicaine. La révolution de 1910, contre le dictateur Porfirio Diaz, fit des paysans issus des populations métisses et indigènes les principaux acteurs de l'histoire du pays. Ils furent menés dans le Nord par Francisco Villa (Yaqui) et dans le Sud par Emiliano Zapata (Nahua) (1). La Constitution de 1917 qui émane de la révolution présentait un amalgame - non exempt de contradictions - entre les libertés individuelles (droit de la propriété privée) et les droits collectifs (en particulier la loi de la réforme agraire).

L'État consentit, après des luttes prolongées, à rendre aux communautés amérindiennes leur base agraire sous forme de terres communautaires (les ejidos, hérités du système traditionnel précolombien des capullt). Mais il tenta de "mexicaniser" les autochtones en essayant de faire disparaître leurs caractéristiques linguistiques et culturelles.

Résistance indienne Depuis plus de 50 ans, le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) maintient les communautés amérindiennes dans la marginalisation. La crise de la fin des années 60 s'accompagne d'un renouveau des luttes indiennes. Dirigées dans un premier temps contre les grands propriétaires terriens, ces dernières s'orientent bientôt vers la reconnaissance officielle de leur identité en tant que peuple. En 1974, le Premier Congrès Indigène, qui se réunit à San Cristo bal de las Casas, dans le

Emiliano Zapata

Chiapas, marque un tournant dans les revendications. Rassemblés hors de la tutelle de l'État, avec le soutien de l'Église, les représentants amérindiens émettent des protestations qui débordent le cadre agraire traditionnel. Ils réclament la reconnaissance de leurs droits autochtones: respect de leurs langues, de leurs cultures et de leurs formes d'organisation sociale. Petit à petit, les Amérindiens se radicalisent. La mobilisation indienne de 1992, dans le cadre de la commémoration des "500 ans de résistance" impulse une stratégie d'actions directes: récupération de terres ou organisation de la "marche des fourmis" Xinic'h - qui, partie du Chiapas, a convergé vers la capitale le 12 octobre. Cette radicalisation culmine le 1" janvier 1994, jour d'entrée en vigueur de l'ALENA (2), par l'apparition au Chiapas de milliers d'insurgés maya, membres de l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN). Cette rébellion s'est dressée contre la dictature du parti au pouvoir, la politique économique néolibérale du Président Salinas de Gortari et la réforme de l'article 27 de la Constitution, sur la propriété agraire et le système" ejidal".

La nouvelle perspective autochtone La société mexicaine n'a pas fini d'absorber les contrecoups de l'insurrection de janvier 94. Le thème de l'autonomie territoriale, naguère réservé à des discussions d'universitaires et de leaders amérindiens, a été amené sur la place publique. Pour les Amérindiens, bien que la commu-

nauté locale soit le lieu privilégié de la persistance autochtone, il ne saurait être question d'apporter des réponses isolées, alors que les problèmes exigent des solutions globales. Une de leurs propositions d'autonomie définit des "régions multi-éthniques", où seraient présents les divers groupes autochtones contigus et les non-Amérindiens qui y résident. Cette nouvelle organisation politique impliquerait la redéfinition de frontières entre municipalités et même entre États. Il est significatif que les premières négociations aient eu pour thème: "Droits et Culture Indigènes". L'autonomie régionale fait désormais partie, avec la question de la terre, des revendications essentielles d'un mouvement qui est bien résolu à ne pas se contenter des habituelles promesses de développement. Quel que soit le cours des événements à venir, il est évident que les rapports entre la Nation et les douze millions d'autochtones du Mexique ne seront plus jamais les mêmes. Sylvain Duez-Alesandrini 1. voir Nitassinan n037, page 18. 2. Accord de libre échange nord américain, consi-

déré par l'EZLN comme l'arrêt de mort des communautés indigènes.

Sources: - Stolen Continents, Ronald Wright, Ed. Penguin Books, 1992, Toronto - La révolution mexicaine, Jesus Solva Herzog, Ed. Maspero, 1977, Paris - Un débat à plusieurs voix au Mexique, les Amérindiens et la Nation, Pierre Beaucage, in Recherches amérindiennes au Québec Vol. XXV; N°4, 1995, Montréal

AlPIN, l'agence de presse amérindienne En 1992, à la su ite de la campagne continentale 500 ans de Résistance indigène, Noire et Populaire, plusieurs journalistes amérindiens des trois Amériques ont créé la première agence de presse indienne: AlPIN. AlPIN a son bureau principal au Mexique et travaille en étroite collaboration avec le Congrès National Indigène et les communautés zapatistes. Pour plus de renseignements, écrivez en espagnol à l'adresse suivante: Agencia Internacional de Prensa India (AlPIN), Madero 67,Ops 605, 606 Y 611, Col. Centro, México D.F. 06000, Mexique - Tél: 52 (5) 521 05 21 ou 52 (2) 521 6084 - Fax: 52 (5)751 85 73

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