Iroquois : les 6 Nations

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différent du leur. Le pouvoir se partage et, en se partageant, ne fait qu'enrichir la Vie; une pensée normative n'est ni logique ni intéressante, puisque les échanges. entre les êtres, qui sont tous différents, n'ont plus aucune raison de se produire. Chaque créature a un Washangi

(~ne

influence) spécifique

qui peut être bénéfique à l'Autre, et sa valeur vient de sa différence. Reconnaître ces voies bénéfiques ne donne pas lieu à une "Morale" quelconque; il s'agit seulement de se situer dans l'univers, savoir ce qui nous fait vivre, reconnaître le milieu dans lequel nous baignons, duquel nous tirons chaque souffle de notre existance. "Le christianisme nous a dit que le monde réel n'est pas en ce monde ici-bas qui n'est guère qu'une mise à l'épreuve avant la "vraie vie"; nous n'avions qu'à suivre certains préceptes et les ordres d'un ensemble de personnes bien déterminées; inutile de chercher à comprendre ce qui nous arrive en ce monde puisque cela n'a pas vraiment de signification et que l'essentiel est de bien préparer

. notre en-

trée dans l'autre .•• Eh bien voilà une différence fondamentale entre la communauté indienne et tous les autres groupes de la société américaine: les Indiens appréhendent ce monde-ci comme monde réel;qu'il y ait un "autre monde" ou une "infinité de mondes", là n'est pas notre souci; que ce monde ait été créé implique notre responsabilité et nous lui

devons de vivre en relation avec tout ce qui vit en lui".

("Custer est mort pour vos crimes"- Vine Deloria) Seule fin morale s'il en est: l'épanouissement de toutes formes de

MAGIOUE ET SACRE, LE NATUREL Il n'y a par ailleurs, aucune trace de "surnaturel" dans la pensée indienne; ne pas confondre sacré (ou poétique) avec surnaturel. Il existe à ce propos une anecdote extrêmement significative: un ethnologue se trouve dans une barque avec un Objibwe en pleine nature canadienne; soudain, au-delà d'une pointe de verdure, un ours! Ils décident de le chasser; ils contournent la pointe qui les sépare de l'ours et, quelques instants plus tard, parviennent à l'endroit voulu; mais là, dans la rivière, il n'y a qu'un tronc. "On a pris un simple tronc pour un ours! dit l'ethnologue. -Pas du tout,dit l'Indien, l'ours est très malin, il s'est traQsformé en tronc!" Magie et poéSie font partie de la réalité objective; c'est que, durant un temps détreminé, tous deux ont vécu en croyant avoir affaire à un ours; ils ont effectivement vécu l'approche,pensé au risque, au repas ... ils ont vécu avec cet ours;· si le blanc raye cette expérience de sa vie, l'Indien, lui, au contraire, l'intègre aussitôt;

telle est

saafaculté d'appréhender la réalité et, de plus, d'en tirer une bonne histoire qu'il s'évertuera à bien raconter.

c'est justement pour répondre au "surnaturel" que nous croyons voir dans leurs pratiques rituelles, que les Indiens se désignent comme étant le "peuple du monde naturel": il l'oppose à notre monde d'abstractions qui transcende la nature tant sur le plan spirituel (dogmes religieux ou politiques,valeurs arbitraires mais immuables) que sur le plan matériel (exploitation, aliénation, défiguration, destruction de vies humaines, animales ou végétales au nom de la toute puissance d'institutions et d'instances supérieures). C'est à ce titre que les Indiens nous perçoivent comme évoluant dans un monde de surnarel où la vie se trouve subordonnée à dp.s valeurs placées au-dessus des êtres naturels, au-dessus de la souveraineté individuelle. Il nous reste à étudier comment cette vision indienne du monae se con crétisait au travers de la vie économique et sociale.

(Extrait du cours de Roger Renaud Icf. 42

1° partie dans Nitassinan nOJ)


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