Femmes indiennes

Page 60

Hommes et femmes sont chaussés de mocassins et de longs bas de laine épaisse, serrée, qui mettent en évidence leurs jambes arquées, signe de leur façon de s'asseoir par terre les jambes croisées sous eux, dans les tentes et dans les canots. Ce n'est pas pour attirer l'attention des clients en faisant plus folkloriques par cet accoutrement, que les mémés sont ainsi habillées. Non! Elles portent cette tenue tous les jours dans leur maison ou dans leur tente si elles sont à la chasse sur le territoire et vous pouvez les rencontrer ainsi "endimanchées" en arpentant les artères de la réserve ou en magasinant à la Baie d'Hudson. Parmi ces vieilles femmes, se trouve la mère de Francine.

Tout retrouver Francine distingue enfin sa mère dans un coin derrière la barrière, loin de la sortie des passagers et du passage des tracteurs qui transportent les marchandises lourdes du bateau à l'entrepôt dans des chariots à bagages. Elle bifurque brusquement vers elle, trop pressée pour franchir la clôture, comme un joueur de foot-baIl qui veut éviter d'être pla'qué par un adversaire, et se jette dans ses bras.

Comblée, la fille prodigue

En quittant la passerelle, la Montagnaise en exil la devine à peine, étant encore trop éloignée d'elle. Elle l'ima~ gine comme elle le fait depuis quelques années au téléphone.

Même si la palissade est un obstacle elle ne les empêche pas de s'embrasser et de se caresser mutuellement le visage démonstration de l'amour filial de Francine envers sa mère et de l'affection maternelle.

Comme des caribous longtemps traqués

"Maman, tu n'as pas changé depuis cinq ans, lui murmure-t-elle les yeux remplis de larmes. -Tu es toujours aussi belle et aussi vraie ... "

Les Montagnais de cette communauté sont tenus à l'écart de l'endroit où descendent les passagers sur le quai, sous prétexte d'accidents survenus dans le passé en déchargeant les marchandises du bateau, par une barrière métallique qui les empêche de s'approcher plus près. Elle trottine, laissant ainsi plus de temps à ses deux jeunes enfants pour la suivre, comme des petits canards qui nagent derrière leur mère dans les eaux calmes et limpides d'un lac splendide, pour parcourir ce trop grand espace qui l'isole encore de sa famille. Son coeur se serre soudain en les voyant tous penchés sur la barrière. Elle les imagine un instant en animaux de la forêt comme les caribous habitués à la grande liberté, qu'on a enfin réussi à capturer après les avoir longuement traqués, puis à enfermer dans une cage exigüe d'un jardin zoologique. Cette image la rend temporairément triste.

60

Cette effusion de tendresse entre la mère et la fille retrouvées aurait duré une éternité si le plus vieux des fils de Francine, un beau grand garçon de quatre ans lui ressemblant comme deux gouttes d'eau, n'avait pas ré~ssi à couper le charme en tirant f~rtement et avec acharnement sur le bas de la robe de sa mère.( ••. ) Francine, à la course comme une gamine, éclairée par une pleine lune magnifique, fait le tour de la maison. Elle veut tout voir, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur, et vérifier tous ses souvenirs de jeunesse. Elle cherche à savoir si des choses importantes ont disparu, si elles ont changé, si elles sont encore telles qu'elle se les était si souvent imaginées dans ses rêves éveillés, loin de ces lieux chéris. Après avoir goûté, sans trop d'exagération, à cause de l'heure tardive,au saumon frais, au castor, à la "banik" (pain indien), au caribou -un vrai festin du réveillon de Noël- et, surtout, parlé abondamment en savourant plusieurs tasses de thé, ils décident d'aller se coucher parce que le jour commence déjà à se lever et qu'ils souhaitent pouvoir jouir ensemble de la belle journée qui s'annonce.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.