Femmes indiennes

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Ils devinrent bien embêtants "On aurait dit que tout ce qui touchait aux femm.es leur restait en travers de la gorge. Je ne sais à quoi ressemblaient leurs propres femmes, on n'a jamais vu les femmes des Quistadores, ils n'avaient amené que des hommes et des jeunes garçons qui servaient de femmes que ça leur plaise ou non." "Au début, nous avons haussé les épaules, chacun a le droit de mener sa vie différemment, mais eux, ils n'avaient pas la même attitude, ils se mirent à chercher à nous faire vivre comme eux. Leurs bonnes manières disparurent très vite, tout à coup ils se mirent à braquer leur canon sur un arbre parfaitement normal et à le faire sauter, juste pour nous montrer ce qu'ils pouvaient faire. Et à nous dire qu'il fallait que ça change ou ils feraient la même chose avec le village. En un rien de temps, ils étaient devenus vraiment embêtants." "Ca leur suffisait peut-être d'user des garçons quand il n'y avait pas de femmes alentour, mais quand ils ont vu les femmes, on ne pouvait plus les tenir. Et bien que ni les femmes de la noblesse ni celles de sang royal ne les côtoient, certaines femmes du peuple ou la plupart des esclaves étaient prêtes à leur octroyer leurs faveurs en échange des étranges objets que les Quistadores avaient apportés. Mais très vite, toutes les femmes qui avaient été avec les Quistadores comme ça sont tombées malades. Très malades."

Syphilis! Elle s'arrêta de parler un long moment, sa tasse à la main, fixant la mer où les premières ombres de la nuit s'avançaient sur les vagues, et nous attendions, sachant qu'elle souffrait en se souvenant du choc et de l'horreur du premier contact avec la sy~hilis et de ses effets meurtriers. Quelques femmes mirent à profit ce silence pour essuyer les visages ensommeillés des enfants et les mettre à dormir dans mon lit, où ils se mirent le pouce dans la bouche et fermèrent les yeux, rassurés, sachant qu'on les emmènerait plus tard à la maison. Certains d'entre nous allumèrent les pe-

tites spirales vertes qui viennent d'Italie pour combattre les moustiques, j'apportai son châle à Grand-mère, refis beaucoup de thé, et nous nous installâmes tous pour écouter la suite d'hune histoire que personne n'écrit dans les livres d'école. Nous avions entendu l'autre version de l'histoire si souvent que certains d'entre nous étaient même prêts à y croire.

Quand Grand-mère demanda plus de thé, nous comprîmes qu'elle était prête à reprendre son récit. Assis en groupe, nous regardions la baie et les îles telles qu'elles sont aujourd'hui, mais en même temps telles qu'elles devaient être depuis des siècles, avant l'arrivée des entreprises d'abattage du bois.

Les femmes eurent une réunion "Un jour, les femmes convoquèrent une réunion et dirent qu'elles ne voulaient plus de Quistadores, et plus d'ingérence et de bêtises de leur part ou de celle des prêtres. Et quand une ancienne décrivit ce que la maladie de pourriture faisait aux femmes qui avaient été avec les matelots, et décrivit l'horreur de toute cette histoire, tout le monde tomba d'accord que l'hospitalité est une chose, mais qu'il faut bien tracer une ligne quelque part, et que des bébés nés sans nez et avec des dents pointues comme celles d'un chat fournissaient toutes les raisons voulues pour tracer la ligne." "Donc le conseil tint une réunion avec les Quistadores pour leur faire savoir que nous en avions assez. Aucun des Quistadores n'avait appris notre langage, mais certains des Mémoriseurs avaient appris suffisamment du leur pour faire passer le message. Et ils n'ont pas aimé ce qu'ils ont entendu."

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