L'été indien au Canada

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La nation cree du lac

Adolescents lunicon, dans la communauté de Little Buffalo, juillet 1995,

Les Indiens lubicon forment une nation de quelque 500 membres, vivant dans la forêt boréale du nord de l'Alberta, sur un territoire de près de 7000 km', Jusqu'à la fin des années 1970, ils vivaient de manière autosuffisante, Leur économie était fondée essentiellement sur la chasse à l'orignal et la trappe de petits gibiers, dont la vente des fourrures leur assurait un revenu suffisant pour acquérir certaines marchandises, telles que du matériel pour la trappe, des fusils pour la chasse, des vêtements et de la farine. Leurs échanges avec les Euro-Canadiens étaient réduits au strict minimum. Dans les années 1980, le développement pétrolifère à grande échelle de la région a provoqué l'anéantissement du mode de vie, de l'économie et des structures sociales et familiales des Lubicon, La plupart des territoires de chasse et de trappe ont été détruits, les orignaux et le petit gibier ont disparu. La valeur totale des ressources pétrolifères extraites du territoire 5' élève à 8 milliards de dollars canadiens. Pourtant, la nation lubicon n'a jamais touché de dividendes pour cette exploitation intensive, puisque le gouvernement euro-canadien ne lui reconnaît pas la propriété de la terre ni de son sous-sol. Près de 95% de la population vit aujourd'hui d'indemnités sociales. Dès 1984, la majorité des familles était touchée par l'alcool, la drogue, le suicide et autres formes de violence jusque là inconnues des Lubicon, résultant de la désintégration de l'économie et du tissu social. En 1988, le gouvernement provincial annonçait la constructÎon d'une usine de

pâte à papier par le groupe japonais DaÎshowa, et l'attribution d'un bail de bois sur pied de 18 000 km', dont 6 500 km' couvrant la presque totalité du territoire lubicon. En dépit d'un accord passé avec les Lubicon, Daishowa commençait la coupe sur leur terriroire dès l'automne 1990, avant que la question des droits territoriaux ne soit réglée avec le gouvernement fédéral. La nation lubicon, n'ayant en effet signé aucun traité avec le gouvernement eurocanadien, estime être en possession légitime de son territoire, Dès 1933, les Lubicon ont tenté de négocier un accord sur la base du système juridique et politique euro-canadien, mais la raison d'État l'a emporté et les Lubicon ont été contraints d'employer des méthodes plus radicales. La désobéissance civile semble être leur dernier recours. Le destin de la nation lubicon exprime en microcosme l'histoire de la colonisation euro-canadienne, dans son passé comme dans son actualité. La seule alternative qui leur est offerte est l'abandon de leur revendication et l'assimilation à la société moderne. On est en droit de se demander dans quelle mesure une société doit être assimilée à la société "dominante" si elle ne le désire pas, et qui plus est, dans de telles conditions de misère. La nation lubicon est à cet égard exemplaire de la lutte des nations indiennes au Canada pour la reconnaissance de leurs droits.

Marine Le Puloch Sources,' Nation cree du lac Lubicon

Pollution des eaux En juin dernier, alors que le gouvernement du Québec annonçait que la pollution du Saint Laurent était en régression, l'organisation World Wild Fund précisait que des tonnes de produits chimiques sont versés, chaque année, dans les eaux des Grands Lacs et du fieuve. WWF accuse les gouvernements du Québec et de l'Ontario de ne rien faire pour empêcher le déversement de déchets industriels toxiques dans les égouts, Selon elle, les stations d'épuration ne sont absolument pas adaptées aux produits contenus dans les eaux usées. Ainsi, dans son bulletin de juin, WWF explique que le bassin des Grands Lacs et du Saint Laurent est sujet à des déversements de plus de 20 contaminants significatifs provenant de 30 des plus grandes stations d'épuration du Québec et de l'Ontario. Les gouvernements provinciaux investissent des sommes considérables dans leurs infrastructures d'égout, mais les stations d'épurations sont incapables d'éliminer les produits toxiques! Pourtant, elles reçoivent annuellement plus de 100 tonnes de métaux, de produits chimiques industriels et de pestîcides provenant de quelques 20 000 entreprises de la région. WWF a calculé qu'environ 31 tonnes de produits toxiques étaient reversés directement dans les Grands Lacs et le Saint Laurent. 1/ demande aux gouvernements de prendre des mesures concrètes afin d'enrayer cette pollution et de préserver la faune des lacs et du fleuve ... tout au moins, celle qui n'est pas encore détruite!

Catastrophe écologique en perspective En novembre 1994, l'industriel canadien Robert Friedland a annoncé la découverte d'un gisement minéral extrêmement riche, à Voisey Bay, sur la côte du labrador. Cette nouvelle a immédiatement provoqué une hystérie générale parmi les compagnies minières qui revendiquent toutes un droit de concession. Un vaste programme d'exploitation est déjà mis en place. Cet endroit s'appelle en fait Eimish ; il est situé à 75 km au nord de la communauté innu de Davis Inlet et fait partie du Nitassinan, territoire traditionnel des Innuat. L'exploitation de ce site constituera une catastrophe écologique pour cette région encore sauvage et une tragédie culturelle pour le peuple innu, déjà victime de nombreuses agressions. Nous consacrerons un article détaillé à cet événement dans un prochain dossier.

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