L'été indien au Canada

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té. Un autre encore est fondé sur le mode de vie qui les unit. Enfin, il existe un système fondé sur une charte établissant un certain nombre de critères donnés auxquels un individu doit répondre. Au cours des années, le gouvernement canadien a usé de chacune de ces méthodes, mais jamais en même temps, et la "loi sur les Indiens" a été amendée en conséquence. Il en résulte qu'aujourd'hui, la "loi sur les Indiens"est un système hybride, qui non seulement ne définit pas clairement le statut des Indiens, mais encore réduit considérablement leur droit de regard sur leur propre statut. L'imprécision et l'incohérence même des termes "peuples aborigènes" est à l'origine de bien des conflits, et a contribué à diviser les Indiens. La législation canadienne détermine différents «types» d'Indiens. Il y a les Indiens "non enregistrés" ou "sans statut", les Indiens "enregistrés" ou "avec statut", ou bien encore les Indiens "ayant signé un traité", et les Indiens" qui n'en ont pas signé". Pourtant, ils sont tous "Indiens". Les Indiens "ayant signé un traité" et ceux "qui n'en pas signé" ont tous le statut d'Indien; près de 50 % des Indiens "enregistrés" n'ont pas signé de traité. Le fait de résider sur une réserve ne suffit pas à les différencier, et n'affecte en rien la question du statut. En effet, certains Indiens n'ont jamais signé de traité et pourtant on leur a attribué une réserve. En revanche, certains Indiens ayant signé un traité n'ont jamais reçu de réserve. Près de 30% des Indiens qui sont en droit de résider sur une réserve, vivent pourtant à l'extérieur de celle-ci, car il est en effet très difficile d'y trouver un emploi.

Les "Métis" Le statut des "Métis" est lui aussi ambigu. Le terme devrait en principe s'appliquer à ceux qui ont des ancêtres à la fois Indiens et Européens. On les appelle aussi des "sangmêlés", terme qui aux XVIIe et XVIIIe siècles s'appliquait surtout aux "AngloIndiens", alors que la dénomination "Métis" s'appliquait aux "Franco-Indiens". Les "Métis" étaient les représentants d'une culture unique qui s'est développée dans les

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Prairies, et qui résultait des mariages entre Indiennes et coureurs de bois (1). Aujourd'hui, on appelle "Métis" aussi bien les descendants d'Indiens qui ont perdu leur statut d'Indien, que ceux dont les familles n'ont jamais été enregistrées par le gouvernement canadien. Au moment de la signature des traités passés entre 1899 et 1921, le gouvernement a proposé aux Indiens soit de recevoir un «script», c'est-à-dire un document leur donnant droit à de l'argent ou à des terres, soit d'être inscrits au registre des Indiens et de conserver leur statut. Les Indiens qui avaient choisi le système des scripts ont été classés par le gouvernement sous le terme de "Métis". A ce titre, ils n'étaient plus à la charge du gouvernement fédéral. Lorsque par exemple le traité 8 a été signé dans le nord-ouest canadien en 1899, la commission gouvernementale était suivie de près par des spéculateurs fonciers qui incitaient les Indiens à prendre des lots de terre qu'ils rachetaient à vil prix. Ils ont dit aux Indiens que seuls les Métis étaient capables de subvenir à leurs propres besoins, ce à quoi de nombreux Indiens ont répondu en prenant des scripts. Ainsi, on a donné aux Indiens des noms à consonance européenne, et ils se sont dits «Métis» pour recevoir des scripts qu'ils vendaient aussitôt pour quelques dollars. Au fil des ans, certains ont été inscrits au traité et ont regagné leur statut d'Indien, mais ils ont de nouveau été rayés des listes dans les années 1940 afin de réduire les dépenses budgétaires. Ainsi, le terme "Métis" signifie au-jourd'hui "Indien sans statut", tout au moins pour la plupart des "Métis" qui habitent le nord de l'Alberta. La plupart des gens appartenant à la société moderne ont du mal à concevoir la situation dans laquelle se trouvent les Indiens au Canada. Cet état de fait tient principalement à un manque d'informations critiques sur la question, susceptibles de contri-

buer à la réforme d'un système équivoque et défectueux, et par conséquent injuste. Personne d'ailleurs ne sait au juste combien d'Indiens résident au Canada. On ne connaît effectivement pas le nombre exact d'Inuit, d'Indiens "sans statut", et de «Métis». D'après le ministère des Affaires Indiennes, en 1994 il y avait un peu moins de 574.000 Indiens "enregistrés" au Canada, répartis sur 605 bandes et quelques 2.300 réserves couvrant près de 16.000 kilomètres carrés. Toujours selon le ministère des Affaires Indiennes, la population Inuit en 1979 comprenait près de 18.000 personnes. Le recensement de 1981 estime à 75.110 le nombre des Indiens «sans statut» et à 98.260 celui des "Métis", pour un total de 4.910.460 "autochtones". Les Indiens ne sont pas du même avis. Certains n'ont pas été pris en considération et n'ont pas été comptés, d'autres ont refusé de s'identifier aux critères imposés par le ministère des Affaires Indiennes. On compte entre 260.000 et 850.000 Indiens «sans statut» et près de 25.000 Inuit, pour un total oscillant entre 585.000 et l.l75.000 "autochtones".

l'inscription au "registre des Indiens" Un Indien, légalement reconnu comme tel, est une personne en droit d'être inscrite sur la «liste» ou "registre" des Indiens. Cette liste est conservée au ministère des Affaires Indiennes. Dans les années 1920, le Canada étendait ses frontières vers le Nord. Simultanément en 1924, la "loi sur les Indiens" a été amendée. Dès lors, le Surintendant des affaires indiennes était également chargé des affaires Inuit. Mais la "loi sur les Indiens"ne s'appliquait pas pour autant aux Inuit, en partie parce que les autorités se rendaient bien compte de son inefficacité. Mais même si aujourd'hui encore les Inuit ne tombent pas sous le coup de la "loi sur les Indiens", ils dépendent malgré tout du gouvernement fédéral. En effet, la Cour Suprême du Canada a jugé en 1939 que les Inuit étaient des Indiens selon les termes de la Constitution de 1867, section 9l. Les pouvoirs publics ont toujours décidé unilatéralement de l'appartenance à une «bande» (terme juri-


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