La déforestation en terre indienne

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Les Huilliche face à la multinationale Golden Spring Dans la région de Chiloé, à l'extrême-sud du Chili, où vivent les Huil/iche - ce qui en langue mapuche signiffe « gens du Sud»la forêt originelle occupe une place importante dans l'économie indigène. À Quel/on, le 12 février 1994, une manifestation de 400 Huil/iche avec à leur tête des chefs en costume traditionnel, ainsi que des sympathisants chiliens manifestent pour que toute la lumière soit faite sur l'affaire Golden Spring. Tous les manifestants sont présents par solidarité avec les Huilliche dans le but d'exiger le dialogue au sein d'une commission entre les différents partis concernés (le grand cacique de Chiloé, le gouverneur de Chiloé, le gérant de Golden Spring, un représentant de l'évêché, un représentant de la CONAF 1, un représentant de la CONADI 2 et un représentant de la municipalité de QuelIon).

priété de Tepuhueico aux Huilliche. Il découvrit alors que les terres qu'il voulait rendre n'existaient pas ou bien étaient des terres infertiles à cause des coupes généralisées effectuées dans la forêt ".

Droit à la terre

Golden Spring à l'attaque Cette commission doit mener une enquête pour savoir quel type d'exploitation forestière projette l'entreprise Golden Spring dans les forêts de Tepuhueico. L'on suspecterait un projet de destruction totale de la forêt originelle. Golden Spring a présenté quatre projets d'exploitation: sur ces quatre projets, trois prétendent habiliter le terrain pour un usage agricole, projet irréalisable d'après une étude effectuée en 1977 par la CONAF. « À cause de la fragilité du sol et de la valeur des ressources de la forêt, de la biomasse présente dans le secteur. La couche de terre organique ne résisterait pas à l'érosion créant d'inévitables séquelles dues à un abattage aveugle de la végétation. Cette catastrophe écologique affecterait le fond marin et les lacs voisins, tout cela aurait pour conséquence la transformation de la forêt et de son secteur en des terrains stériles ne permettant ni la production agricole, ni aucune autre forme de développement ". Comment Golden Spring a-t-elle alors réussi à devenir propriétaire de cette réserve forestière de valeur? De quel droit élargit-elle les chemins existants? De quel droit démolitelle les clôtures et usurpe-t-elle les terres? Tout cela sans hésiter à s'affronter avec les Huilliche.

Un demi-siècle de lutte Manuel Munoz Millalonco, anthropologue huilliche, raconte: « Ces histoires de luttes existent déjà depuis un demi-siècle, mais le problème est devenu plus aigu en 1993, quand le ministère des biens nationaux chiliens voulut rendre 3 450 hectares de la pro-

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peuple tout entier, pas seulement le peuple huilliche, et les autorités régionales et nationales. Dans cette histoire, les autorités ne doivent pas jouer un rôle d'arbitres impartiaux ou de juges neutres; elles doivent nous appuyer dans les requêtes de notre communauté ...»

De son côté, Rolando Berrios, assesseur légal du conseil des caciques, déclare: «•.• Nous étudions la possibilité de présenter un recours de protection devant la cour d'appel de Puerto Montt, même si nous savons que nous ne disposons pas d'instruments légaux adéquats. Il n'existe pas au Chili de loi de protection de la nature, ni de loi sur la forêt. Nous avons seulement un précepte constitutionnel qui assure à tous les chiliens le droit de vivre dans un milieu naturel non pollué. Cela concerne un

La délimitation entre les terres huilliche et les terres appartenant à l'État n'est pas claire. Historiquement, on les consignait dans les documents et titres de propriété donnés par la Couronne d'Espagne en 1823. Dans le cas de Compu, ces titres furent enregistrés en 1898 auprès des autorités nationales caciques. L'histoire du vol des terres ne commence pas avec la Golden Spring ; elle commence au temps de la colonie et se « légalise» en 1990 quand l'État chilien s'approprie quasiment tout le territoire indigène. Les Huilliche demandent une photographie aérienne des sols qui permette de délimiter avec précision la propriété de chacun. Les délimitations territoriales s'effectueront devant le notaire, pas uniquement sur le terrain. Les titres que possèdent les communautés sont légitimes; les délimitations sont reconnues par les historiens de la communauté (dans la société huilliche, comme dans la société mapuche traditionnelle, un homme assume le rôle d'historien N.D.T.). Mais la nouvelle loi indigène du Chili ne reconnaît pas le rôle de cet historien. Golden Spring se sert de ces imprécisions dans les délimitations de territoire pour dépouiller les Huilliche de leurs terres. Les Huilliche n'espèrent plus un miracle. Ils SOnt juste décidés à demander justice ...

Traduction: Christine Rosengard. D'après un article de Luis Henriquez paru dans le journal chilien Pumo Final. 1. CONAF : office des eaux et forêts chilien 2. CONADI : Commission Nationale de Développement Indigène, récemment créée.


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