Chasseurs : cri du Lubicon

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Canada

La Colombie Britannique va-t-elle enfin négocier ? Le gouvernement de la province canadienne de Colombie Britannique a signé récemment un traité avec la nation nisga'a. Ce traité, qui donne en grande partie satisfaction aux revendications territoriales des Indiens, est accusé de promouvoir une politique de "bantoustans" au Canada. Les Indiens estiment au contraire qu'il reconnaît, en partie, leur souveraineté, c'est à dire leur droit à posséder la terre et à se gouverner eux-mêmes. Malgré ces divergences d'opinions, le traité doit servir de modèle pour les autres nations indiennes de Colombie Britannique susceptibles de négocier une entente avec le gouvernement canadien. Avec un siècle de retard, la Colombie Britannique se lance dans la délicate mission de négocier des traités avec les peuples indiens. Cela ne sera pas facile si les militants indiens préfèrent la confrontation au compromis, comme d'aucuns le prétendent; d'autant que certains extrémistes blancs avancent que le refus d'accorder aux Blancs des droits octroyés aux Indiens par traité engendrera des réactions racistes de la part des autochtones. Pour compliquer encore les choses, des élections législatives se tiendront dans la province avant la fin de l'année. Or, les négociations avec les Indiens affaiblissent les chances de réélection du Nouveau Parti Démocrate, parti de centre-gauche aujourd'hui au pouvoir en Colombie Britannique. Les partis d'opposition remettent en cause l'accord passé en février avec les Nisga' a. Ce traité est le seul passé jusque-là avec le gouvernement de Colombie Britannique (1). L'opposition exige que l'accord soit soumis à un référendum ou à un vote législatif. Si les choses se passent ainsi et que le traité négocié avec les Nisga' a n'est pas honoré, les 47 autres nations qui ont obtenu d'entamer des discussions avec le gouvernement canadien et la province n'auront plus aucune raison d'espérer. Les militants indiens risquent, encore une fois, d'ériger des barrages routiers et d'organiser la lutte armée (2). Selon Gibby Jacob, négociateur pour le peuple squamish (3), « il y a des guerriers là-bas. On peut encore les contrôler. Mais si le gouvernement fait marche arrière, les bandes les plus radicales vont de nouveau barrer les routes. " Sur les 3,2 millions d'habitants de Colombie Britannique, 160.000 SOnt des Indiens. Alors qu'au XIX' siècle plusieurs nations signaient des traités dans d'autres provinces, on allouait des parcelles de terres aux Indiens de Colombie Britannique, sans négocier avec eux ni leur concéder aucun droit. Il y a cent ans, les Nisga' a se sont organisés pour revendiquer leurs droits territoriaux, mais ce n'est qu'en 1976 que les négociations en vue d'un traité ont vraiment commencé. Les négociateurs nisga' a, les représentants de la province et ceux de l'État fédéral ont parafé le traité le 15 février 1996. Selon les termes de

l'accord, une réserve d'une superficie de 1192 km' - correspondant à seulement 8% de ce que la nation exigeait au départ - sera allouée aux Nisga'a dans la vallée de la Nass ainsi que 150 millions de dollars, des droits de pêche et d'importants pouvoirs gouvernementaux. En contrepartie, les Indiens ont accepté de renoncer progressivement à l'exemption fiscale dont ils jouissent sur leurs revenus leurs ventes ainsi qu'à toute revendication ultérieure. Les négociateurs espèrent que leurs efforts n'auront pas été vains et que le traité pourra servir de modèle à d'autres nations indiennes. Mais Philip Halkett, ministre des Affaires Indiennes pour la province, affirme que les partisans du traité ont été surpris de la violence des critiques soulevées par la révélation de certains détails du marché passé avec les Nisga' a.

Apartheid ou souveraineté? Le Western Report, hebdomadaire conservateur, prétend que le traité crée "un apartheid constitutionnalisé". Trevor Lautens, journaliste au Vancouver Sun n'a pas caché son mépris: « Bienvenue au premier "BPC" du XXI' siècle, l'un des nombreux "bantoustans politiquement corrects" qui vont bientôt fourmiller au Canada. Grâce à des traités comme celui-là, les hommes de loi et les bureaucrates auront des emplois prospères "aussi longtemps que le soleil brillera". " M. Halkett a rencontré cent opposants au traité lors d'une réunion à Prince George, au nord de la province. !lIeur a reproché de comparer la politique canadienne avec celle de l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid: « Je leur ai dit de faire attention à ce qu'ils disaient; cette terminologie ne correspond en rien à la réalité. Les Nisga' a seront bientôt totalement intégrés à la société de la Colombie Britannique. Ils ne seront plus les pupilles du gouvernement fédéral. " De telles critiques ne présagent rien de bon pour les négociations futures. Les Nisga'a ont la réputation d'être modérés et patients ... C'est le moins que l'on puisse dire. Leurs revendications terri toriales portent sur une vallée montagneuse, proche de la

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