Canada : Les Nations Indiennes contre l'uranium

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Nunavut : vers 1999 ! Après vingt ans de négociations, Nunavut, le territoire inuit du Canada, est en passe de devenir une réalité : le 9 juillet, l'acte de création du Nunavut a été ratifié par legouvemement canadien. À la fin du siècle, Nunavut se séparera des Territoires du Nord-Ouest pour devenir une région à part entière. "L'étape suivante consiste maintenant à entrer en négociations politiques avec 'e gouvernement pour créer un territoire et un gouvernement pour Nunavut", nous déclare le président de la Coalition Nunavut, Titus Allooloo. Les négociations en vue de lacréation du Nunavut démarrèrent en 1973, quand l'organisation Inuit Tapirisat du Canada (Fraternité Inuit) entama des négociations avec le gouvernement concernant les revendications territoriales et les droits de chasse des Inuit. C'est alors que fut avancée l'idée de diviser les Territoires du Nord-Ouest entre Nunavut ("notre terre" en inuit) et Denendeh ("le territoire des Indiens Dene"), de manière à répondre aux besoins de ces deux groupes indigènes. Plusieurs projets furent proposés pour Nunavut, mais les négociations n'aboutirent pas en raison du conflit d'intérêts existant entre les régions occidentales, riches en pétrole, du delta du Mackenzie, et les Inuit plus traditionnels de l'Est des territoires. Ensuite, en 1982, la fédération Tungavik de Nunavut (TFN), une organisation qui représente les intérêts des Inuits orientaux, reprit le chemin des négociations avec le gouvernement fédéral, ce qui aboutit à la signature d'un . accord de principe en 1990.

Une suite d'obstacles Cet accord de principe représentait le premier obstacle surmonté, mais il en restait encore trois sur le chemin des négociateurs: tout d'abord, les Inuit devaient s'entendre sur la frontière de leur territoire, deuxièmement, les électeurs devaient donner leur accord pour céder leurs terres, et enfin, il fallait négocier avec le gouvernement la création d'un gouvernement distinct pour le Nunavut. Au cours d'un plébiscite organisé au mois de mai 1993, une majorité d'Inuit conhrma les frontières de son territoire, en dépit de l'opposition des Indiens Dene qui craignaient que les frontières n'empiètent sur leurs propres territoires. Mais en fait, l'obstacle le plus difficile à surmonter pour obtenir un consensus inuit' autour de Nunavllt fut la clause prévoyant que les Inùit "céderaient" le droit sur leurs terres au gouvernement canadien. Étant donné l'histoire des revendications territoriales indigènes sur le continent américain, la réticence de certains est facile à comprendre.

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Mais il faut se souvenir qu'aux yeux des négociateurs de TFN, cette cession est faite en échange de quelque chose de très précieux: une définition très claire entre les Inuit et le gouvernement des droits des Inuit et des profits qu'ils pourraient tirer de leurs terres, de leurs eaux et autres ressources. Ce n'est pas le cas actuellement dans les Territoires du Nord-Ouest: les droits des Inuit ne sont pas définis et il n'existe pas d'accord net concernant la subsistance, les ressources non-renouvelables ou la souveraineté indigène. • De plus, l'accord de Charlottetown, qui représentait un effort de la part du gouvernement fédéral pour définir les droits des indigènes et leurs gouvernements autonomes au sein de la constitution canadienne, fit l'objet d'un référendum en octobre 1992 et fut rejeté par une majorité de Canadiens du Sud, tandis que 76 % des électeurs dans l'Arctique canadien l'approuvaient. Sans modification de la Constitution, les Inuit n'ont d'autte choix que de ratifier Nunavut s'ils veulent obtenir une définition de leurs droits et un gouvernement autonome. Le vote positif au cours du référendum de novembre dernier montra qu'une majorité d'Inuit était prête à accepter la clause de cession mais pas sans contrepartie.

Convaincre le peuple Le gouvernement canadien entama des négociations dès lors que le département des Affaires Indiennes et du Nord Canada démontra que les anciens traités de paix étaient dépassés. Dans une brochure intitu-

lée "Politique générale concer'p!nt les Revendications Territoriales", le département écrivit qu'il était nécessaire de créer "de nouvelles approches aux questions de cession des titres, des gouvernement autonomes, de la gestion de la nature et de l'environnement, de l'inclusion des zones littorales dans les négociations, dans le partage des revenus et dans le processus des négociations" . TFN se lança dans un énorme effort pour informer le public concernant les référendums de 1992, et des montagnes de documents furent publiés en anglais, inuktitut et dene. Pendant leur campagne dans les villages, TFN et la Commission du Nunavut durent faire face à des débats particulièrement enflammés. Finalement, une majorité d'Inuit reconnut que ses droits et sa souveraineté méritaient quelques concessions au gouvernement canadien. Une fois ratifié par le Parlement canadien, l'accord final prévoit le paiement de 580 millions de dollars sur 14 ans (ou, avec intérêt, 1,4 milliard de dollars) aux bénéficiaires inuit, qui conserveront leur titre sur.l8 0/<) de leur territoire, soit 219 000 km'. Le reste de leur territoire sera administré par Ottawa, aux termes de la clause de cession. Mais les Inuit garderont un droit de regard sur l'exploitation du territoire par l'intermédiaire de conseils qui assureront la gestion' des terres, des ressources, et régleron~ les questions de chasse et de pêche, car ils pourront exerc~r ces activités sur la totalité du territoire. Il est également prévu de créer un centre administratif (autre que Yellowknife)


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