Brésil : Vers une victoire makuxi ?

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USA/Mexique À partir de son expérience, l'écrivain Leslie Marmon Si/ko nous expose dans cet article, publié à l'automne /994, les tracasseries policières auxquelles sont soumises les personnes ne présentant pas le «bon profil» et voyageant dans les régions frontalières États-Unis / Mexique. La police des frontières y exerce un pouvoir exorbitant qui fait bien souvent fi des Droits de l'homme.

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l'EXCLUSION

Nul être humain n'est illégal.

J'ai longtemps voyagé sur les autoroures du Nouveau-Mexique et de l'Arizona avec une extraordinaire sensation d'absolue liberté, avalant les kilomètres sur d'immenses plateaux déserts. Sur la réserve de Laguna Pueblo, où j'ai été élevée, les gens étaient patriotes malgré la façon dont le gouvernement des États-Unis avait traité les Indigènes d'Amérique. En tant que citoyens fiers, nous avons grandi dans la croyance que la liberté de déplacement était un droit inaliénable, un droit dont certains indigènes d'Amérique ont été privés au tout début du xxe siècle. ( ... ) Dans les années 50, on nous apprenait à l'école que voyager d'État en État, sans avoir besoin de papiers particuliers ni risquer d'être arrêté, était un droit dont les citoyens des pays communistes et totalitaires ne disposaient pas. Cette grande route disait que nous étions citoyens américains et que nous étions libres ...

cela, l'un d'eux nous ordonna de descendre de voiture. Gus demanda pourquoi, mais sa question sembla les mettre hors d'eux. Deux autres policiers approchèrent immédiatement de la voiture et l'un d'eux aboya: «Vous cherchez des ennuis?» avec l'air de se délecter à l'idée de nous en fournir. (... ) Il était clair que les hommes en uniforme seraient trop contents de nous sortir de la voiture si nous n'obtempérions pas rapidement (poser une question, semble-t-il, équivalait à de la résistance). Nous descendîmes donc de voiture et ils nous firent signe de nous tenir sur le bas-côté de la route. La nuit était très sombre et aucune autre voiture n'était passée depuis que nous avions été arrêtés. La seule chose à laquelle je pouvais penser était un livre que j'avais lu: Nunca mas (1), le rapport officiel d'une commission des

Sur les routes désertiques

Il n'y a pas si longtemps, mon compagnon Gus et moi-même roulions vers le sud depuis Albuquerque pour retourner à T ucson après une tournée de promotion pour l'édition en poche de mon roman Almanach ofthe Dead. Je m'étais installée à l'arrière pour dormir pendant que Gus conduisait. Je me réveillai en sentant la voiture ralentir. Il était près de minuit sur la Nationale 26, au Nouveau-Mexique, une route déserte qui s'étirait comme un long ruban sombre entre Hatch et Deming. À la lumière des phares et des gyrophares, je comptais six véhicules: cinq voitures et un fourgon de la police des frontières barraient l'autoroute. Gus immobilisa la voiture et ouvrit la vitre pour demander ce qui se passait. Les policiers ne répondirent pas. Au lieu de

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Droits de l'homme qui avait mené une enquête révélant plus de 12 000 ({ disparitions» durant la «sale guerre» d'Argentine à la fin des années 70. L'étrange colère de ces policiers des frontières me faisait penser aux descriptions du rapport sur l'armée et les officiers argentins qui s'adonnaient aux interrogatoires, à la torture et aux meurtres. Lorsque les militaires et les policiers étaient en manque de suspects politiques à torturer et à tuer, ils kidnappaient des citoyens pris au hasard dans les rues. Je pensais combien il serait facile aux policiers des fron tières de nous abattre et

d'abandonner nos corps et notre voiture près de l'autoroute, comme tant d'autres cadavres qui sont découverts dans ces parages et imputés aux trafiquants de drogue. Deux autres policiers se tenaient près du fourgon. Celui qui avait demandé si nous cherchions des ennuis donna l'ordre à son collègue d'« aller chercher le chien», et celui-ci fit sortir de l'arrière du fourgon une petite femelle berger allemand tenue en laisse. ( ... ) Ils ouvrirent les portières de notre voiture et tirèrent la chienne à l'intérieur. Mais je vis immédiatement à l'expression de ses yeux qu'elle les détestait et ne leur obéirait pas. Voyant qu'elle ne montrait aucun intérêt pour l'intérieur de notre voiture, ils l'amenèrent au coffre, près duquel nous attendions. Ils la portèrent tant bien que mal à l'intérieur, mais là non plus elle ne

détecta ni cadavre caché ni drogues illicites. Leur humeur devenait plus menaçante. Les officiers semblaient indignés du fait que la chienne n'ait trouvé aucune marchandise de contrebande, et ils la tirèrent vers nous en lui ordonnant de renifler nos pieds et nos jambes. À mon grand soulagement, l'étrange violence que les agents avaient dirigée contre nous semblait maintenant s'être transférée sur la chienne. Je ne craignais plus qu'ils nous assassinent. Nous échangeâmes un regard, la chienne et moi. Tout comme moi, elle avait peur d'eux. Le maître-chien secoua sèchement la laisse


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