Colonies françaises

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BOURBON.

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Le p r o c u r e u r général de la c o l o n i e , dans u n nouveau r a p p o r t daté du 15 s e p t e m b r e 1841, r é s u m e ainsi la situation g é n é r a l e d e l'instruction r e l i gieuse p a r m i les noirs et les obstacles q u i s'opposent encore à son extension : «L'autorité ecclésiastique a fait, à Bourbon, de notables efforts pour donner l'instruction religieuse aux noirs. Dans toutes les paroisses, par ordre de M. le préfet apostolique, le catéchisme a été fait aux esclaves, à certains jours de la semaine; et, le dimanche à midi, une instruction pastorale a lieu dans toutes les églises. Mais, d'un côté, l'insuffisance du personnel voué

à cet enseignement et,

de

l'autre, le peu de persévérance des noirs, n'ont pas permis que cet enseignement fût très-fructueux. Les prédications du dimanche ont eu un grand succès dans les premiers temps ; les noirs y venaient en foule; mais bientôt ils se sont relâchés; et les maîtres, voyant aussi que le catéchisme n'était souvent qu'un prétexte pour le noir de s'absenter de l'habitation afin d'aller passer son temps au cabaret, et qu'il en résultait des désordres, les maîtres, dis-je, ont en plusieurs endroits cessé de pousser leurs esclaves à y aller. Une des principales causes de cet abandon de la part des noirs, c'est la prédication contre le vol et le concubinage. Il sera longtemps difficile de leur faire entendre qu'ils doivent y renoncer, et la disproportion des sexes rend cette difficulté plus grande encore. «Il faudrait un personnel de catéchistes très-nombreux pour aller porter la parole et la morale évangéliques sur les habitations. Former de petits arrondissements de campagne rayonnant autour d'une petite chapelle, à laquelle serait attaché un catéchiste, où le vicaire viendrait, tous les deux ou trois dimanches, dire la messe et faire une instruction, serait le but auquel il faudrait atteindre. Mais pour cela il faudra vaincre la répugnance des maîtres à abandonner quelques heures de travail de leurs noirs chaque semaine, et celle des esclaves à consacrer à la religion quelques heures de leur dimanche. Tout règlement à cet égard paraîtra aux premiers un empiétement, tout ordre donné aux seconds aura à leurs yeux le caractère d'un travail et ils chercheront à s'y soustraire. «Les idées religieuses sont plus répandues parmi les noirs de l'arrondissement sous le vent que parmi ceux du reste de l'île. Cela tient à ce qu'on y compte plus d'anciennes bandes, comme on y compte plus d'anciennes familles créoles. A la limite du territoire de Saint-Leu, l'habitation de M. de Villèle est certainement de tout l'arrondissement celle où les idées religieuses et les pratiques du culte sont le plus anciennement et le plus solidement implantées. Là des mariages sérieux ont lieu chaque année, là la prière se fait matin et soir, et presque tous les esclaves savent leur catéchisme. « C'est à garantir la population esclave de ce qu'il y a de purement mécanique et disciplinaire dans ces exercices que la prévoyance des règlements à introduire sur les habitations devra surtout s'attacher.


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