Colonies françaises

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( 69 ) EXISTANT A LA MARTINIQUE E N

DÉCEMBRE

OBSERVATIONS DES

1845.

OBSERVATIONS

MAIRES

SUR L'INSTRUCTION RELIGIEUSE ET ELEMENTAIRE DANS LA COLONIE.

DE

L'ADMINISTRATION

COLONIALE.

Parmi les gens libres de la commune du Lorrain, il en est qui possèdent un peu de fortune, c'est le petit nombre; les autres, en grande majorité, ne vivent qu'au jour le jour. Les premiers, trouvant à Saint-Pierre les facilités qu'ils peuvent désirer pour faire élever leurs enfants, n'ont aucun intérêt à soutenir un établissement d'éducation , et ne s'en occupent pas ; les autres n'ont pas les moyens nécessaires pour faire face aux dépenses d'un établissement de ce genre. Ils ont essayé néanmoins, il y a quelques années, de se cotiser pour salarier un maître d'école qui n'exigeait pour toute rétribution qu'une somme de 5 francs par mois. Cet instituteur fut obligé de fermer sou et encore aujourd'hui on lui doit une grande partie de ses émoluments. Cet inconvénient n'est pas le seul : la Grande-Anse est coupée par cinq cours d'eau qui deviennent des torrents dangereux au moindre grain de pluie, et interceptent toute communication. Comment risquer continuellement des enfants dans des routes ainsi accidentées? Une écolo placée ou bourg, dira-t-on, dans le centre de la commune, ne présenterait pas d'inconvénient? Oui, si les élèves y demeuraient on pension complète; mais ils peuvent la fréquenter que comme externes, à cause des difficultés de localité; il faudrait une école sur chaque moine situé entre deux rivières pour satisfaire sans danger au besoin de l'instruction primaire, et une sixième école au Marigot. A combien ne s'élèverait pas une pareille dépense? Ce sera an système que consacrera l'ordonnance royale à intervenir, qu'il apM. l e préfet apostolique pense que des frères de Ploërmel rendraient de grands serpartiendra de remédier aux difficultés signalées dans cette note , difficultés devant vice dans la commune. 11 n'est pas douteux que ces religieux seconderaient efficacement lesquelles l'administration ne se rebutera par, s vues bienveillantes du Gouvernement, mais leur zèle sera toujours entravé , parce qu'ilsnepourrontjamais compter sur la régularité et l'assiduité de leurs écoliers. Si l'instruction élémentaire offre dos difficultés à la campagne pour les libres, ces difficultés sont bien autrement considérables pour les esclaves. Ceux-ci peuvent-ils être e n pension? Alors qui ferait les frais nécessaires? Mais comment concilier leur absence de l'habitation avec les devoirs qu'ils ont à y remplir, d'abord envers leurs pères e t mères, dont ils sont les domestiques ; envers leurs plus jeunes frères et sœurs, dont ils sont les gardiens , e t enfin envers le maître , qui l e s utilise aux menus travaux delamaison et de la basse-cour, en les faisant surveiller par unevieillefemme? Vient ensuite la question de moralité. Les jeunes nègres e t les jeunes nègresses ont un penchant bien connu pour la vie dissolue: leurs pères, leurs mères et leurs maîtres, quoi qu'on en dise, les surveillent et parviennent à les maintenir, sinon dans la sagesse, du moins dans la décence, jusqu'à l'âge où la passion les entraîne irrésistiblement. Qu'adviendra-t-il, si cette jeunesse est délivrée de toute surveillance? Les mœurs sont difficiles à réformer, lorsque la honte n'existe pas; lorsque la débauche est un titre glorieux, et l'infamie inconnue. Il est permis de douter que le Gouvernement, malgré sa puissance, vienne à bout de moraliser cette population au moyen de l'instruction élémentaire , lorsque l'instruction religieuse elle-même ne produit aucun résultat satisfaisant. Il n'existe point d'instruction élémentaire dans la commune: une école de filles était tenue par une femme de couleur, qui a été obligée de fermer son école, parce que la faible rétribution qui lui était duo no pouvait lui être payée. Los esclaves reçoivent seulement l'instruction religieuse que leur fait le curé, indépendamment de celle faite par les habitants. La commune ne possède aucune écolo ni pour les libres ni pour les esclaves. M. le curé fait des instructions à l'église , auxquelles assistent les personnes des deux sexes. Les moyens d'enseignement moral et élémentaire mis gratuitement à la disposition de la population libre et de celle esclave sont les mêmes pour toutes les deux, et consistent dans les sermons , les prônes et les instructions des jeudis et des dimanches, faits par le curé, e t dans l'exemple des chefs de famille et des maîtres. Il n'y a p o i n t d'école n o n gratuite n i avec n i sans le secours des fonds communaux. Dans chaque famille, les parents enseignent aux enfants le catéchisme, la lecture et l'écriture, et les mettent par là en état d'être envoyés aux écoles de la ville. Quant aux écoles d'esclaves , elles n'existent pas, et elles ne peuvent se comprendre tant que l'organisation coloniale sera maintenue telle qu'elle est aujourd'hui. En effet, quels sont les esclaves que l'on serait tenu d'envoyer à ces écoles? Los enfants; mais à quel âge ? Serait-ce avant l'âge où ils doivent servir leurs maîtres , ou après qu'ils auront atteint cet âge? Dans la première hypothèse, qui les conduirait et les ramènerait? Qui empêcherait qu'ils ne soient enlevés et conduits à la Dominique ou à Sainte-Lucie? Dans l'autre cas, qui indemniserait les maîtres? 11 n'existe aucun mélange entre la classe libre et celle esclave.

L'ordonnance royale à intervenir sur l'instruction religieuse et élémentaire, servira de réponse aux observations émanées ici de l'administration municipale. La population des enfants de couleur libres se compose, au Prêcheur, de 228 individus. Sur ce nombre, les 3/4 vont aux écoles gratuites de Saint-Pierre. Cette commune n'offre aucun sujet auquel on puisse confier les fonctions d'instituteur; elle est aussi trop pauvre pour permettre qu'un établissement d'éducation puisse y être institué. On ne peut donc obvier à cet état de choses que par la création dans cette localité d'une école dirigée par les frères de Ploërmel.


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