Choix des lettres édifiantes écrites des missions étrangères. Tome 7, volume 1. Partie 2

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ABNAKIS

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jusqu'au fort Lydis , où ils n'arrivèrent d'abord qu'au nombre de trois ou quatre cents : j'ignore le nombre de ceux qui ayant gagné les b o i s , furent assez heureux pour s'y rendre à la faveur du canon , qu'on eut soin de tirer pendant plusieurs jours pour les guider. Le reste de la garnison n'avoit cependant pas péri par le fer, et ne gémissoit pas non plus sous le poids des chaînes; plusieurs avoient trouvé leur salut dans les tentes françaises, ou dans le fort : ce fut là où je me r e n d i s , après que le d é sordre fut apaisé. Une foule de femmes éplorées vin rent en gémissant m'environner ; elles se jetoient à mes genoux ; elles baisoient le bas de ma robe , en poussant de temps en temps des cris lamentables qui me perçoient le cœur : il n'étoit pas en moi de tarir la source de leurs pleurs ; elles redemandoient leurs fils , leurs filles, leurs époux dont elles déploroient l'enlèvement. P o u v o i s - j e les leur r e n d r e ? l'occasion du moins ne tarda pas à se présenter de diminuer le nombre de ces misérables; je l'embrassai avidemment. Un officier français m'avertit qu'un H u r o n , actuellement dans son c a m p , s'étoit emparé d'un enfant de six mois , dont la mort étoit assurée, si je n'accourois sur le champ pour le délivrer ; je ne balançai point ; je courus en hâte à la tente du Sauvage, entre les bras de qui j'aperçus l'innocente victime qui baisoit tendrement les mains de son ravisseur , et qui jouoit avec quelques colliers de porcelaine qui le paroient. Ce coup d'œil donna une nouvelle ardeur à mon zèle ; je commençai par flatter le Huron par tous les éloges que la vérité p o u -


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