Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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L E S C H E R C H E U R S DE

QUINQUINAS

sont aujourd'hui en ruines, comme ceux des anciens mineurs, et ne subsistent que par quelques débris de missions clairsemées, dans lesquelles on retrouve un mélange bizarre de paganisme et de religion fait pour plonger le philosophe dans d'amères réflexions. Pendant quelques années on s'entretint de la catastrophe de San Gaban, puis la génération qui en avait été témoin disparut de la terre, une autre génération lui succéda, et l'histoire de la ville impériale de Charles-Quint prit avec le temps le caractère vague et poétique d'une légende. En conduisant ses hommes jusque dans ces solitudes, en les y égarant en quelque sorte sciemment, Charles Duret ne comptait certes pas sur des résultats bien encourageants ; mais il espérait retrouver suffisam ment de vestiges du passé pour justifier tout au moins aux yeux de ses compagnons l'entreprise dans laquelle il les avait lancés. Espérant que quelques recherches méthodiquement pratiquées lui fourniraient le moyen d'atténuer l'effet désastreux produit par la vue de ces ruines, il entraîna Guttierez avec lui loin du campement, tandis que leurs compagnons plumaient et rôtissaient quelques aras dont la chair coriace devait faire les frais du souper. Jusqu'à ce que la nuit suspendît leurs recherches, les deux hommes fouillèrent les environs, examinant le sol bouleversé, arrachant çà et là des touffes d'herbes, soulevant la couche d'humus pour voir si elles ne cachaient rien, scrutant, fouillant, interrogeant les accidents du site et cherchant à y découvrir les secrets du passé. Rien ne trahit les mystères que la nature recouvrait désormais d'un voile impénétrable. La ville qui avait occupé cet emplacement et les nombreux habitants qui la peuplaient n'avaient rien laissé pouvant faire soupçonner leur existence. Il importait d'arracher promptement les péons aux rêves que leur imagination pouvait concevoir sur l'emplacement de la ville de l'or. Le camp fut levé dès l'aube. A ceux qui jetaient derrière eux des regards d'envie, Charles s'empressa d'expliquer que San Gaban ayant été l'entrepôt, non la source des richesses d'autrefois, il n'y avait pas à regretter d'abandonner ses ruines; à tous il fit comprendre que si leurs espérances pouvaient se réaliser, c'était en relevant les anciens travaux , soit des lavaderos au bord des rivières, soit des mines au flanc des montagnes. Il sut leur représenter les dangers de leur isolement avec assez d'habileté pour leur ôter la pensée de se disperser, sans pousser la note trop au noir ni les décourager. On avait besoin d'eux ; il importait donc extrêmement de se trouver en nombre pour pénétrer plus avant sur le territoire indien.


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