Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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LES C H E R C H E U R S DE Q U I N Q U I N A S

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nés, pour le lavage on se servit des poêles, casseroles ou marmites dont on s'était muni à cette intention. Au bout de quelques instants tous les récipients culinaires étaient en mouvement. Guttierez lui-même avait mis la main à l'œuvre. Accroupi sur la rive et muni d'un poêlon à queue qu'il remplissait et vidait tour à tour, on le voyait écarquiller ses yeux pour y trouver quelques pépites d'or; mais le sable coulait, l'argile passait, les ocres venaient à leur suite sans laisser au fond du poêlon la moindre paillette du précieux métal. Après une heure de ce singulier travail, il était évident que, suivant l'expression de Guttierez, « on n'était pas tombé sur le filon. » Sentant qu'il ne fallait point décourager les hommes par des travaux sans résultats, Charles et Guttierez déclarèrent qu'il était inutile de persister sur ce point, qu'il valait mieux être en nombre pour obtenir un travail fructueux, enfin qu'on se bornerait à relever sur un certain parcours les anciens lavaderos et à juger quel parti l'on en pourrait tirer. Depuis deux jours les mineurs improvisés suivaient l'Ollachea, et ils avaient rencontré son plus fort affluent. Il fallait franchir ce cours d'eau et atteindre la rivière de San Gaban, le long de laquelle, au dire de Belesmore, on trouverait les meilleurs emplacements à or. Toutes ces rivières ont, à première vue, un air de famille qui décèle leur commune origine. Issues, sous forme de torrents, de la cordillère orientale et parcourant sur une certaine étendue de leur cours des places dont la déclivité est parfois considérable, elles bondissent, écument et se précipitent plutôt qu'elles ne coulent dans les ravins qu'elles se sont creusés ou qu'elles ont trouvés sur leur passage ; au temps de la fonte des neiges, leurs débordements ont en petit le caractère des déluges polaires. Ces heures de colère et de dévastation exceptées, elles donnent volontiers la gaieté, la fertilité, la vie à la contrée qu'elles arrosent et qui doit à leur concours, non moins qu'aux vapeurs fécondantes produites par le voisinage des Andes, son climat exceptionnel et la splendide végétation qui la caractérisent. La rivière était dans ses heures de calme, et le point par lequel Charles et ses hommes l'abordaient dominait de quelques dizaines de mètres la dernière chute du rio. Deux roches, presque suspendues au-dessus du ravin, allaient à l'encontre l'une de l'autre et n'étaient séparées que par une douzaine de mètres. Tout autour croissaient des troncs touffus et puissants. Les Indiens jetèrent sur deux des plus rapprochés un regard connaisseur, et sans la moindre hésitation les attaquèrent à coups de hache. Après une demi-heure de travail, les arbres s'abattirent dans la direction déterminée et vinrent se coucher en travers des deux roches. C'était un pont primitif ; mais, malgré la gymnastique nécessaire et la difficulté de sortir du labyrinthe de leurs branches, le passage eut lieu sans difficulté.


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