Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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LES CHERCHEURS DE QUINQUINAS

porté par deux hommes. D'autres lianes de grande longueur furent fixées sur chaque bord, de façon à transformer l'appareil en un va-et-vient manœuvré des deux rives. Mamani, le chef des cascarilleros, qui avait une réputation de pilote, se chargea d'accomplir la première traversée avec un de ses camarades. Le trajet se fit sans encombre, en dirigeant le radeau à l'aide d'une perche. L'appareil fut ramené sur l'autre bord au moyen de lianes, et quatre personnes y prirent place, halées par les deux premiers passagers. L'opération se renouvela jusqu'à ce qu'il ne restât plus sur la rive que les hommes désignés pour la recherche des lavaderos. On échangea un dernier adieu, et Duret disparut bientôt avec ses douze compagnons dans les profondeurs du fourré. Charles et Guttierez ne se voyaient pas sans une certaine inquiétude chargés d'occuper les quatorze hommes qui restaient de façon à entretenir leur bonne humeur et leurs illusions tout à la fois, ou, pour être plus conforme à la vérité, de façon à combattre leur mauvaise humeur et à faire naître des illusions que Charles, du moins, ne partageait pas. Nous disons Charles, car Guttierez pouvait revendiquer la paternité des projets relatifs aux lavaderos ; sans avoir une c o n f i a n c e absolue dans une tentative de ce genre, il imaginait volontiers qu'une chance heureuse pouvait se produire et récompenser l'audacieux qui n'aurait pas désespéré tout à fait des richesses de San Gaban. Il avait donc insisté pour qu'on fît entrer dans le programme de l'expédition une tentative de ce genre, faisant ressortir, — non sans raison et avec assez d'habileté, — que la perspective de ce Pactole était un puissant moyen d'entraîner les péons assez loin pour les empêcher, dans un moment de découragement, d'abandonner les chercheurs de quinquinas. Charles déclara donc à ses compagnons que, pendant l'absence de l'autre partie de la troupe, on s'occuperait de rechercher les points susceptibles de produits, et qu'au retour tout le monde se livrerait à la recherche des paillettes aurifères. Mais avant de commencer et afin de trouver un abri plus confortable pendant les nuits de bivouac, on entreprit la construction de deux ajoupas d'une certaine grandeur. Les péons péruviens sont d'habiles bûcherons ; ceux de Charles eurent bien vite déblayé une place convenable. Tandis qu'une partie abattait les quelques perches nécessaires à leurs légères constructions, les autres apportaient d'énormes brassées de roseaux pour édifier les murailles. Deux heures après, la grève déserte était occupée par deux ajoupas à parois treillissées de roseaux, au toit de chaume, et dans lesquelles, par un raffinement de luxe, on avait même établi une barbacoa. Ce meuble, l'unique d'ailleurs qu'on y aperçoive jamais, est une sorte de gril en bois ou en bambou posé sur des piquets, qui dans les chaumières


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