Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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s'est opposé jusqu'ici à son acclimatation en Algérie, les jeunes sujets qu'on a essayé d'y transplanter ayant toujours été victimes d'accidents. On enterre les baies par groupes de trois ou quatre, en les protégeant au moyen de branches sèches contre la gourmandise des oiseaux; on les maintient sous cet abri jusqu'à ce que le jeune plant ait acquis assez de vigueur pour résister à l'action du soleil. Jusqu'à l'âge d'un an ou dix-huit mois, époque de la première récolte, selon les cas, il exige des soins assidus de binage et d'élagage. Passé ce moment, il est en production constante. La feuille, — la partie recherchée de l'arbrisseau, — une fois cueillie, est séchée au soleil sur une aire en terre battue, puis enfermée dans des paniers de forme cylindrique, dont le poids varie de vingt à vingt-cinq kilogrammes. C'est dans cet état que la coca est dirigée, des hauteurs de la cordillère sur les marchés, à dos d'homme. Chacun de ces paniers a une valeur variable de quarante-cinq à soixante francs. Comme chaque hectare en plein rapport donne un produit moyen de cent kilogrammes de feuilles sèches et que cette culture est fort répandue, on ne sera pas surpris de voir apprécier le rendement général du Pérou à environ douze millions de kilogrammes. Cet article est devenu, depuis quelques années d'ailleurs, un des meilleurs articles d'exportation de ce pays et de la Bolivie, qui en récolte, elle, environ six millions de kilogrammes. Nous avons dit précédemment l'emploi et l'usage de cette feuille merveilleuse, nous n'y reviendrons pas, et nous nous enfoncerons avec notre caravane dans les chemins remplis d'une admirable végétation qu'elle suivait en quittant les champs de Canamari. Comme si elle semblait vouloir se faire pardonner toutes les perfidies que renferme la forêt vierge, la nature les faisait précéder par toutes les séductions des yeux. Les pentes, qui venaient jusqu'en bas, couvertes de végétations profondes, se terminaient en une lisière fleurie avec une richesse inouïe. Les ronces-mûres, les sauges à la corolle éclatante, les menthes, lès fuchsias grands comme des arbres, les alstrœmères aux fleurs merveilleuses, des massifs interminables de splendides passiflores aux fruits comestibles, formaient une double haie au milieu de laquelle les péons s'avançaient, la démarche encore alourdie, l'œil atone, indifférents à ce spectacle fastidieux pour eux, mais qui, pour les autres voyageurs sortant des rudesses de la puña, ne manquait point de charme. Tout à coup cette somnolence des péons reçut un rude choc : l'explosion d'un fusil, dont les échos décuplaient la détonation, retentit dans leur dos. Non prévenus, ces gens, dont la bravoure est fort mince, se croyaient attaqués par quelque ennemi invisible; ils s'arrêtèrent sur place, cherchant de tous côtés d'où venait le danger. Avant même qu'ils eussent eu le temps de découvrir quelque chose, la voix du guide se faisait entendre derrière un massif de fuchsias en demandant main forte. Deux péons


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