Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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LA M I S S I O N

DE SAN

PEDRO

Il était temps que le malade arrivât. Une fièvre intense le dévorait; tout son corps se couvrait de plaques rougeâtres d'aspect inquiétant. Sur la recommandation de Dominguos, Charles courut à la mission, où il demanda aide et secours. Une hutte spacieuse fut mise aussitôt à sa disposition. A peine y euton transporté le malade, que le supérieur vint le visiter, mettant à sa disposition les quelques notions médicales qu'il possédait. Son examen lui fit reconnaître les signes de la variole. Il ne dissimula pas à Charles que dans ces régions cette maladie a un caractère toujours fort grave. Il lui recommanda surtout de ne point révéler autour de lui la nature du mal. « Dans votre intérêt le mieux compris, gardez-vous de rien dire. Les Indiens en général, surtout ceux que vous serez appelés à voir ici, ont une terreur folle de la variole. Comme elle produit chez eux de terribles ravages par suite du manque de soins intelligents, ils sont persuadés qu'elle est inguérissable, et ils considèrent comme irrémédiablement marqués par la mort ceux qui ont le moindre contact avec un individu atteint de ce mal. Leur superstitieuse frayeur pourrait fort bien les entraîner aux plus fâcheuses extrémités envers des étrangers qu'ils estimeraient leur avoir apporté la contagion. Votre sûreté sera le prix de votre silence. » Le missionnaire qui donnait à Charles cet utile avertissement était un homme dans toute la force de l'âge ; il paraissait posséder une expérience et une science supérieures à celle qu'on rencontre d'ordinaire chez les missionnaires de ces contrées. Son langage et ses manières aisées dénotaient l'habitude du monde; son activité révélait un tempérament vigoureux. Tout indiquait en lui un homme de valeur, et Charles se


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