Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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LES C H E R C H E U R S DE Q U I N Q U I N A S

soumise et, pour mieux marquer son attachement à son devoir, menaça son interlocuteur de le faire immédiatement jeter à la porte, s'il ne lui présentait sur l'heure ses excuses pour avoir osé mettre ainsi en doute sa probité de fonctionnaire. Non seulement le débutant, qui savait son homme, ne fit aucune excuse, mais il fit d'un mot tomber cette belle indignation : « Parfait, seigneur douanier, dit-il; vous ne trouverez dès lors pas mauvais que je me prive de votre concours et que je m'adresse tout simplement à votre compère William Cauxtown. Au surplus, j'aurai encore un bénéfice marqué à me servir de lui. » Ce nom de William Cauxtown avait eu le privilège d'amener sur le visage du chef des douanes d'Islay une assez vilaine grimace. Il avait ainsi la preuve que le jeune négociant, dont il comptait avoir si aisément raison, était au courant des petites affaires de Perez Veragno. Il réfléchit un instant, et, comme si rien de particulier ne s'était produit, il s'étendit longuement sur la dureté des temps, sur la difficulté qu'il y avait à servir son pays principalement quand les appointements magnifiques auxquels il avait droit lui étaient si rarement payés; il fit ressortir la cruelle nécessité où il se trouvait de réparer ces oublis de la caisse gouvernementale, et par-dessus tout combien il avait à cœur de conserver avec l'illustrissime seigneur gouverneur d'Arequipa les excellentes relations qu'il avait toujours eues. Don Juan, le laissa parler sans l'interrompre, et se levant comme pour prendre congé : « Ainsi donc, c'est entendu, señor Veragno : j'entre mille barriques moyennant qu'au moment où les sept cents premières seront à l'abri dans nos magasins, vous recevrez six cents sols; puis vous exercerez les droits de douane sur les suivantes. — N'aviez-vous pas proposé un sol par barrique affranchie? — L'ai-je dit? Cela est bien possible après tout, señor Veragno. Mais, comme je perds beaucoup à ne pas employer William, il me paraît absolument équitable que vous m'accordiez quelque compensation, et je vous crois assez juste pour ne pas trouver exagérée la légère diminution que j'apporte à ma proposition première. » L'honnête douanier se trouvait pris; il savait fort bien que, s'il refusait l'offre avantageuse du jeune homme, la part que lui réserverait William Cauxtown serait bien inférieure. Ce fut avec force saluts que le haut fonctionnaire reconduisit jusque dans la rue celui qu'il menaçait un instant auparavant de faire jeter dehors. Juan de Choquehanta avait suivi scrupuleusement les instructions paternelles, basées d'ailleurs sur la parfaite connaissance d'une situation qui, à celte époque, n'avait rien d'exceptionnel. Le William Cauxtown dont le nom avait aplani les difficultés de la


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