Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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L E S C H E R C H E U R S DE QUINQUINAS

de rio de la Paz, conformément à la coutume américaine qui modifie le nom d'un cours d'eau suivant la contrée qu'il parcourt. Une fois descendue de ces hauteurs, en torrents, par des cascades, des chutes et des rapides, la Madeira jette un de ses cent bras à travers la ville de la Paz, où elle commence à être navigable, contourne l'Illimani et change de nom pour s'appeler le Béni; elle s'allonge du sud au nord pendant 845 kilomètres; puis elle oblique vers le nord-est pendant 556 kilomètres, jusqu'à ce qu'elle reçoive le Mamoré, grossi du Guaporé. Pendant cette portion de son parcours, les Indiens la nomment Uchapara. A sa rencontre avec le Mamoré elle prend son nom définitif de Madeira, qui lui fut donné par les Espagnols à cause de l'énorme quantité de cèdres et autres conifères que ses torrents arrachent aux flancs des montagnes et qu'elle charrie ensuite jusqu'à l'Amazone. A cet endroit, son cours mesure déjà près de 1 500 kilomètres sur les 2 865 qu'il compte en totalité. La Madeira forme l'artère principale d'un immense système de voies fluviales, pénétrant par son propre cours et celui de ses affluents au cœur de la Bolivie et même du haut Pérou. Par son sous-affluent, le Guaporé, dont le cours ne mesure pas moins de 1250 kilomètres, la Madeira fouille jusqu'au plus profond du Brésil, et fournit à la province de Matto-Grosso la seule voie navigable que possède le versant méridional des fameuses montagnes Parécis. Un si admirable réseau ne pouvait être délaissé par les Portugais, qui en ont senti depuis longtemps toute l'importance. Aussi, dès l'année 1760, un service régulier de péniches avait-il été établi entre le Para et VillaBella, l'ancienne capitale de la province de Matto-Grosso, qui fut portée à un haut degré de prospérité par ses exploitations d'or. Alors, pendant la saison favorable, des flottilles remontaient la Madeira et ses deux grands affluents, mettant ainsi en communication directe la Paz d'un côté, Matto-Grosso (ancienne Villa-Bella) de l'autre, ainsi que toutes les localités du centre de la Bolivie, avec le Para, c'est-à-dire des points distants de 4 600 kilomètres. Le voyage d'aller et retour durait un an. Rien que pour franchir la série des obstacles qui commencent à San Antonio et s'échelonnent sur un parcours de 390 kilomètres, il fallait un travail de quatre mois; car, dans quelques-uns de ces endroits, il faut débarquer les marchandises et les porter à bras pendant que les embarcations passent les rapides avec des difficultés immenses; en d'autres, on doit les traîner à terre par-dessus des mornes boisés, aux flancs rapides et rocailleux. Dans ces voyages il ne faut pas moins de quatrevingts hommes par embarcation d'une force de six à quinze tonnes : c'est dire que tous les équipages de la flottille appliquent leurs efforts au transport d'une seule péniche à la fois. Quand une a passé, on va chercher la seconde, et l'opération est renouvelée autant de fois qu'il y a d'embarcations.


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