Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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L E S C H E R C H E U R S DE

QUINQUINAS

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depuis peut-être vingt milles on se trouvait sur un banc de profondes alluvions, où il eût été inutile de chercher même un caillou. Il répugnait à tous d'abandonner le corps de l'Indienne aux vautours, ou de le jeter aux alligators. Dans l'impuissance où l'on se trouvait de l'enfouir dans le sol, on n'apercevait aucun moyen de soustraire le cadavre aux profanations des animaux. Les voyageurs résolurent, en fin de compte, de l'emporter avec eux, espérant trouver plus loin quelque endroit favorable à leurs pieux projets.

Les alligators, paresseusement étendus sur les bancs de vase ou sur les troncs en dérive, étaient seuls à troubler ces solitudes profondes.

La pauvre Maï, enveloppée de feuillage en guise de linceul, allait être rapportée sur le radeau, quand Guttierez, montrant du doigt le milieu de la rivière : « Nous avons ce qu'il faut, s'écria-t-il. Ni les armadilles ni les jacarès n'auront le corps. » Dans la direction qu'il indiquait, le lit de la rivière était coupé en deux par une longue île basse, couverte d'herbes et de légers roseaux. « Mais ce n'est qu'un lit de vase molle, lui fit observer Charles. — Précisément à cause de cela, Maï ne sera ni mangée par les jacarès, ni déterrée par les fauves, ni déchiquetée par les urubus, ni profanée par les armadilles. Il nous suffira pour cela de la porter sur cette vase, comme je l'ai vu faire dans les marais du San Juan, et d'attendre sur place que le poids de son corps l'ait fait descendre suffisamment. » Alors Guttierez expliqua comment, dans les lagunes immenses de l'Équateur, on protège les cadavres qu'on ne peut enterrer. 1

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Nom brésilien de l'alligator.


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