Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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L E S C H E R C H E U R S DE Q U I N Q U I N A S

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Un coup d'œil convainquit bien vite Charles de la lamentable exactitude des dires de son hôte. Une demi-douzaine de tambos constituait tout le village, qui se dissimulait à quelque distance derrière des plantations de canne, de manihot et de légumes variés. Toute la soirée s'écoula en conversations avec le père Pablo, chez lequel, malgré une retenue évidente dans ses paroles, on reconnaissait un homme d'une valeur assurément bien supérieure à celle des missionnaires ordinairement envoyés vers les Indiens de ces régions. A plusieurs mots échappés ou glissés dans la conversation, on pouvait deviner en lui un naufragé de la vie venant oublier au fond des déserts quelque grande désillusion et se consoler dans le service de Dieu de quelque grande infortune. Charles respecta le secret qui transperçait malgré tout; et, s'informant de ses compagnons, il apprit que, dans l'organisation de leurs missions, un père est toujours accompagné de deux frères lais, presque tous originaires du Brésil. A eux trois, ils entreprennent de ramener dans le giron de l'Église les Indiens du voisinage. Le père Pablo déclarait n'avoir pas lieu de se plaindre. On l'avait envoyé à Santa-Anna, où il était depuis dix ans. Le pueblo était bien un peu misérable, disait-il avec un sourire résigné, mais ses ouailles pouvaient compter parmi les meilleures; c'étaient des Indiens Mozos, au caractère doux et souple. L'abandon de la mission ne remontait pas à une époque éloignée quand il y était arrivé. Il avait fait de son mieux, mais il avait toujours été entravé par la santé de ses collaborateurs. L'endroit étant fiévreux, tous avaient successivement succombé, malgré leur jeunesse, ou abandonné la mission, ce qui entravait son développement.


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