Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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LES C H E R C H E U R S DE Q U I N Q U I N A S

attendent. Alors que nous étions pourvus et armés, vous savez combien la marche a été dure et pénible. Songez à ce qu'elle serait au retour. « Notre voie est toute tracée, suivant moi. La rivière est là; cours d'eau puissant déjà, elle nous conduit à l'une des artères principales de l'Amazone. En la suivant, nous atteindrons la Madeira, la grande voie de communication du Brésil central et de la haute Bolivie par l'Amazone. Nous ne pouvons manquer, à un moment ou à un autre, de rencontrer quelque caravane commerciale qui nous recueillera, qui nous fournira tout au moins la possibilité de rejoindre un centre de ressources. Ce n'est qu'une question de jours. « Quand nous aurons atteint la Madeira, nous aurons encore la chance de pouvoir nous embarquer sur un de ces vapeurs qui commencent déjà à remonter cette énorme rivière jusqu'à ses chutes. En la descendant, quels que soient nos moyens de transport, nous gagnerons enfin Manaos, sur l'Amazone. Là nous serons hors d'affaire ; nous n'aurons plus qu'à prendre au passage un des navires qui font, tous les deux m o i s , le service de Manaos à Yquitos. Les moyens de remonter ensuite jusqu'à Yurimaguas, sur le Huallaga, ne nous manqueront pas; nos jambes feront le reste. « Le détour est énorme, je le sais, il exigera du temps; mais le temps ne compte pas et la route est relativement facile. » Les péons ne disaient mot, ne comprenant rien à l'itinéraire tracé par Charles au milieu de ces régions inconnues d'eux; mais le nom de l'Huallaga les avait frappés. « En supposant que nous n'ayons pas d'autre voie que l'énorme parcours indiqué par vous, objecta Guttierez, par quels moyens trouverezvous à faire vivre pendant si longtemps notre troupe qui, bien que réduite, compte encore treize personnes? — Ce qui vous effraye me rassure, lui dit Duret. Ce nombre même fait notre force. Notre troupe compte assez de bras pour faire face à toutes les nécessités; plus nombreuse, elle ne serait que plus difficile à diriger. Pour répondre à vos craintes, je vous ferai simplement remarquer que la route se fera sans fatigues sérieuses. Nous nous laisserons glisser sur nos radeaux; si les nôtres, qui commencent à être pénétrés par l'eau, menacent de nous manquer, nous en construirons d'autres; ce n'est point le bois qui fera défaut. N'avons-nous pas, dans les eaux mêmes qui nous portent, d'abondantes réserves de vivres? Qui nous empêche de construire quelques arcs, de faire quelques sarbacanes indiennes, puisque nos armes sont inutiles entre nos mains à peu près autant que des roseaux creux? Ce qui, à mes yeux, constitue la force même de mon plan, c'est l'impossibilité évidente d'en suivre un autre ; néanmoins rien 1

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A cette époque, le service du haut Amazone se faisait tous les deux ou trois mois. A l'heure actuelle, des bateaux font tous les quinze jours le service régulier jusque sur le haut Huallaga, au centre même du Pérou.


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