Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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XX

LA DESCENTE DU BÉNI

Tout le monde resta sur pied, cette nuit-là, dans l'île du Béni : on s'attendait à tout instant à voir déboucher une flottille chargée d'assaillants. Quant à Charles, il était plongé dans les réflexions qu'une telle situation amenait avec elle. Son premier soin, le matin venu, fut de réunir ses compagnons afin d'arrêter en commun les projets et les résolutions utiles. « Mes amis, leur dit-il, dans les circonstances actuelles, il n'y a plus de chef, il n'y a que des compagnons de souffrance. C'est à ce titre seulement que je vous expose le plan que j'ai conçu à San Bonaventura et mûri cette nuit. « Puisque notre qualité de Péruviens est un titre à l'animosité des gens, il faut complètement renoncer à l'itinéraire que nous avions choisi; y persévérer serait se créer de gaieté de cœur des difficultés nouvelles dans chaque village que nous atteindrions, puisque notre manque de ressources nous imposerait toujours d'avoir recours aux autorités locales. Notre situation ne pourrait même qu'empirer en nous rapprochant du centre du pays. « Comprenez-vous cela, vous autres? » fit-il en se tournant vers les péons, qu'il avait tenu à consulter également. Les hommes firent un signe d'acquiescement que leur accablement, il faut bien le dire, rendait fort probable. Charles continua : « Il nous faut donc choisir une autre route. Nous ne pouvons retourner sur nos pas; les gens de San Bonaventura, plus loin les Indiens Pukiris, enfin les Siriniris, nous bouchent l'accès des vallées de Caravaya, par lesquelles nous pouvons atteindre le Pérou. Si, méprisant les dangers qui nous attendent de ce côté, vous voulez passer outre, je vous rappellerai à la fois votre dévouement et les fatigues extrêmes qui nous


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