Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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L E S C H E R C H E U R S DE Q U I N Q U I N A S

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fusil de Duret, sauvé des mains des Siriniris, était resté au fond de l'eau. Les munitions étaient réduites à une poire à poudre retrouvée par de Contisaya et à quelques balles de plomb. Par une heureuse fortune, Charles possédait encore une quarantaine de cartouches pour son revolver. Deux sabres d'abatis et une hache, enfin trois ballots de vivres, composaient tout le matériel de campagne. Le problème consistait à faire vivre, jusqu'à ce qu'elles fussent à l'abri, les vingt personnes composant encore la caravane. Un fait non moins grave fut également reconnu. La chute du radeau avait entraîné la perte de la caisse aux instruments et des cartes que Duret portait avec lui : plus de boussole, plus de montre, plus aucun moyen d'orientation ne restait à la disposition des malheureux; plongés, perdus dans cet océan végétal de trois mille lieues de long qu'on appelle la montaña, ils étaient égarés plus sûrement encore que des naufragés abandonnés sur l'immense étendue de l'océan liquide. Leur seul guide, leur seul moyen d'orientation allaient être désormais le soleil et les indices que les habitués des grands bois savent recueillir. Tout ce qu'ils pouvaient savoir sur leur situation présente était qu'ils se trouvaient sur la rive droite de l'Inambari, au-dessous de l'Ollachea; mais il leur était impossible de préciser ni de dire les noms des tributaires de cette rivière rencontrés par eux depuis deux jours. Néanmoins on convint de se diriger vers le sud-est, afin de gagner sinon le Béni lui-même, du moins un de ses affluents. La direction générale de cette rivière étant à peu près perpendiculaire à celle de l'Inambari, les fugitifs, — il était impossible de leur donner un autre nom, — espéraient, en l'atteignant, pouvoir gagner quelqu'une des missions, ou, pour mieux dire, les débris de quelqu'une des missions autrefois établies sur ses bords. C'était se lancer dans l'inconnu; mais il était absolument impossible de revenir en arrière. Remonter l'Inambari, c'était se jeter de gaieté de cœur dans les bras des Pukiris, peuplade sauvage qui ne se borne pas à piller ses victimes, mais qui les égorge souvent avec des raffinements de cruauté; la route de l'Ollachea, celle de l'Ayapata, ainsi que la rivière de Sandia, étaient coupées par les Siriniris. On n'avait pas le choix. Il restait enfin à savoir comment les cascarilleros et les péons accueilleraient la situation ainsi présentée, et quelles garanties de soumission ils pouvaient présenter. Afin de prévenir toute tentative de pillage par leurs gens, les blancs firent apporter auprès d'eux, sous prétexte d'inventaire et de répartition des charges, les quelques outils et le peu de vivres qui restaient. Les péons, réduits à leurs seules mains, se trouveraient dans l'impossibilité d'accaparer les provisions à leur profit s'ils venaient à en être tentés. Quand ces dispositions essentielles eurent été arrêtées, Belesmore


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