Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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LES C H E R C H E U R S DE

QUINQUINAS

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vaient être longs, hélas! Ce fut vite fait de réunir les quatre charges de vivres et d'ustensiles culinaires sauvés à grand'peine du pillage de l'avant-veille. Mais quand on fut pour se mettre en marche, on s'aperçut que huit hommes manquaient à l'appel, et que parmi eux se trouvaient trois des plus surexcités la veille. Par acquit de conscience et pour le cas où leurs camarades seraient dans le voisinage, Duret fit pousser quelques appels discrets et pratiquer une battue en cercle; mais personne ne parut. « Des déserteurs! fit observer de Contisaya. Qu'ils deviennent alors ce qu'ils voudront, mais qu'ils n'empêchent point leurs camarades de se tirer d'affaire en demeurant inutilement! » Cette disparition était d'un fâcheux augure. L'exemple pouvait être suivi ; or la dispersion de la caravane était sa perte certaine. On se hâta vers l'endroit où le radeau avait été amarré la veille. Qu'on juge de la stupeur générale : la place était vide ! Un morceau de la liane qui le retenait, laissé sur le sol, témoignait que les fugitifs de la nuit avaient pris les devants et refusaient de suivre la fortune de leurs compagnons. Il n'y avait pas à hésiter, soit pour trouver un gué, soit pour construire un autre radeau. La couleur de l'Inambari en cet endroit indiquait une grande profondeur en amont comme en aval, sur un parcours prolongé. Les cascarilleros se remirent au travail, et deux heures après un radeau semblable à celui de la veille se trouva prêt à recevoir les passagers. Cinq fois déjà, le va-et-vient établi d'une rive à l'autre avait fonctionné avec succès, malgré la violence du courant. Il ne restait plus sur la rive gauche de l'Inambari que Duret avec deux péons. Comme un capitaine sauvant son équipage, il avait tenu à s'embarquer le dernier, quand la sécurité de tout son monde aurait été assurée. Tandis que le radeau, tiré par les péons, approchait de la rive, un mouvement maladroit imprimé à l'appareil détacha la liane qui le reliait à la rive droite, de sorte que les derniers passagers allaient se trouver privés de ce facile moyen de direction. Pour y suppléer, une perche fut remise à l'un des péons. Le passage ne laissait pas que d'offrir ainsi une véritable difficulté ; mais l'homme paraissait adroit, et Duret lui-même n'eût pas été embarrassé pour se tirer seul d'affaire. Le radeau avait accompli en dérivant un bon tiers de la route, quand il se trouva menacé par un tourbillon. Pour l'éviter, le péon fit un effort; la perche porta sans doute à faux sur le fond ou sur un obstacle, car elle se brisa net entre ses mains, et la secousse qui en résulta eut pour effet de jeter l'embarcation précisément dans le tourbillon qu'on voulait éviter. Un cri d'angoisse s'éleva de tous côtés : le courant s'était emparé du radeau et commençait à le faire évoluer dans le dangereux circuit. Couchés à plat ventre sur les troncs d'arbre, les trois hommes s'évertuaient vainement à se diriger en battant l'eau de


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