Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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par l'Ollachea ; la rive droite de la rivière leur restait seule, bordée de plages caillouteuses alternant avec d'épais fourrés de bambous et de mimosas, où ils espéraient se dissimuler plus aisément. Ils iraient ainsi, gagnant le plus rapidement possible l'Inambari, qu'ils franchiraient pour arrêter la poursuite des sauvages. Une fois en sûreté de l'autre côté de la rivière, ils remonteraient la rive droite dans l'espoir de trouver à Paraiso quelques chaumières où ils se ravitailleraient. Continuant à suivre l'Inambari, ils rejoindraient les centres habités en longeant sa branche occidentale ou rivière de Cuyaca, ou bien regagneraient les hauts plateaux par la vallée tributaire du Sandia. En faisant un rapide inventaire de leurs débris, ils reconnurent qu'une des poires à poudre était restée à terre, perdue par les voleurs. Cette découverte rendit un peu de confiance aux plus effrayés. Les deux fusils furent chargés ostensiblement sous les yeux des Siriniris ; Charles et Belesmore Salazarre, à qui Duret les confia, eurent pour mission de soutenir la retraite. Ces dispositions prises, la petite troupe se mit en marche formant un peloton serré. Puis, pour bien montrer aux sauvages, dont tous ces mouvements avaient éveillé l'attention, que l'on était résolu à la défense, Charles et Belesmore tirèrent quelques coups de feu sur un but imaginaire. Malgré l'impérieuse nécessité de ménager leurs munitions, cette démonstration était nécessaire. Les Siriniris parurent avoir compris, car leur élan fut brisé net par les détonations, et ils rentrèrent effrayés dans la forêt au lieu de se précipiter sur les blancs, comme ils y paraissaient disposés en les voyant partir. Ceux-ci profitèrent de cette disparition pour gagner à grands pas les épais massifs de bambous qu'ils apercevaient à quelque distance. Dès que le rideau de bambous se fut refermé sur les fugitifs, la terreur qui s'était emparée des péons fut si forte, que, malgré les ordres et les exhortations de leurs chefs, leur marche se précipita en une course folle qui ne prit fin qu'avec le jour. La faim, la soif, la fatigue, leur semblaient inconnues, tant ils avaient hâte de mettre derrière eux les eaux de l'Inambari. Ce soir-là on se blottit sans souper, sans feu et sans vêtements, dans des touffes de passiflores qui peuplaient les rochers de la rive. Comme l'on ne pouvait résister davantage à la faim, on s'aventura, au lever du jour suivant, à la recherche de baies et de racines. Par bonheur l'oxalis abondait dans le voisinage, et l'on fit une ample provision de ces tubercules sauvages. On les dévora crus, tout en marchant. Enfin, dans le courant de l'après-midi, on reconnut les abords de l'Inambari, vers lequel coulait l'Ollachea. En forçant la marche, on put espérer atteindre le but avant la nuit complète, et cette perspective rendit un nouveau courage aux plus affaiblis. On suivait à ce moment une partie de plage où les hautes eaux


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