Les chercheurs de quinquinas : des vallées de Caravaya à l'Amazone

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XI

LA DÉROUTE

L'arrivée de Duret contrariait certainement les Siriniris ; ils étaient sur le point d'abandonner leur marché quand l'un d'eux, solide et grand gaillard qui semblait avoir autorité sur ses compagnons, leur fit remarquer l'attitude effarée des péons, lesquels s'étaient groupés tous ensemble et semblaient saisis d'une peur insurmontable. Les nouveaux venus, déjà fort désagréablement impressionnés à la vue des Siriniris, qu'ils espéraient ne jamais rencontrer, tremblaient de tous leurs membres au récit de l'attaque de la veille et autorisaient chez les sauvages des espérances que leur chef s'évertuait à grossir. Duret fut vite mis au courant des faits, et sa résolution ne tarda guère : il fallait se débarrasser des importuns coûte que coûte, et, bien que ce ne fût pas l'heure des récriminations, Charles fut blâmé de sa faiblesse à l'égard des premiers Siriniris. Une simple, mais vigoureuse démonstration devait suffire. Se serrant en un groupe compact, les blancs armés de fusils firent quelques pas au-devant des Siriniris, réunis autour de leur chef pérorant avec force gestes; puis, leur montrant à la fois leurs armes et le bois, ils leur firent comprendre qu'ils eussent à déguerpir. Et comme ils semblaient ne pas saisir le sens de cette attitude, Belesmore leur dit que si un seul d'entre eux revenait demander encore les couteaux qu'ils exigeaient, les tara-tara (les fusils) les tueraient tous. En même temps, épaulant tous ensemble leurs armes chargées ou non, les blancs firent le geste d'un feu de peloton. Ce fut alors un sauvequi-peut général; en dépit des remontrances de leur chef, qui les exhortait vainement à braver les armes des blancs, ils disparurent comme une volée d'oiseaux. Quand on eut constaté le départ réel des Siriniris, on établit le cam-


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