Proceedings of the 52nd annual meeting of the Caribbean Food Crops Society, july 10 - july 16, 2016

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L’industrie des jus est en effet une industrie de volume où la marge est réalisée sur les quantités vendues, or le marché local est restreint. Les industriels de la place importent généralement des pulpes de fruits qu’ils formulent, hormis un seul projet récent concernant le jus de canne microfiltré. De plus, le produit comporte une valeur ajoutée alimentaire, insuffisante pour couvrir les coûts notamment de main d’œuvre qui constituent une part importante du coût de revient. Enfin, les opérations unitaires nécessaires à la fabrication d’un jus sont nombreuses (préparation, extraction, formulation, stabilisation, conditionnement) et donc nécessitent un niveau d’investissement initial d’emblée très conséquent. Ainsi un programme de recherche délocalisé a été mené, hors contexte, sans tenir compte des caractéristiques de l’environnement technologique local. Or, le projet était destiné en priorité à la valorisation de la transformation de la banane de Guadeloupe, compte-tenu des difficultés sur le marché du frais liées, entre autres, à la disparition des protections douanières pour l’accès au marché européen. Un autre exemple, est celui de la valorisation de l’ambrette, dont le nom scientifique est Abelmoschus moschatus, qui est une plante de la même famille que le gombo et la groseille pays. La plante existe aux Antilles à l’état sauvage, elle est originaire de l’Inde. Elle produit des graines qui contiennent de l’huile essentielle, utilisée en parfumerie pour son caractère musqué et la fixation des parfums. Elle a été exploitée au début du siècle en Martinique pour son odeur musquée caractéristique (Saint Pierre - musée du Volcan), mais le développement de la chimie organique et des muscs de synthèse (musc ambrette) a entrainé la disparition des muscs naturels (animaux et végétaux). En juillet 85, la directive 95/34/CE de l’Union européenne interdit l’utilisation du musc de synthèse, 4-ter-Butyl-3méthoxy-2,6-dinitrotoluène. Une société, sise en Guadeloupe, y a donc vu l’opportunité de valoriser l’ambrette et a monté un programme de recherche et développement avec le soutien de l’ANVAR (Agence Nationale de Valorisation de la Recherche). Il s’est agi de réaliser des essais aux champs pour déterminer les schémas culturaux et identifier les ravageurs et le programme a également porté sur la validation industrielle des procédés d’extraction de l’huile essentielle. Parmi les résultats obtenus : • l’identification des maladies et ravageurs liés à la culture de l’ambrette en Guadeloupe • le recensement de la biodiversité de l’ambrette guadeloupéenne • la définition d’un schéma cultural compatible avec une intensification de la production et un mode de culture « écologique » • l’amélioration des méthodes d’extraction d’huile • des tests et l’adaptation d’outillage industriel • Le volet technologique portait sur la mise au point d’une technologie zéro déchets, visant une valorisation intégrale de la graine en trois composantes : • L’huile essentielle pour la parfumerie • L’huile végétale pour la cosmétique • Le tourteau d’Ambrette pour l’alimentation animale, comme source de protéines. Les fonds à mobiliser pour ce volet de recherche ont été particulièrement lourds et la délocalisation des expérimentations a également été nécessaire avec l’identification de prestataires pouvant réaliser les opérations et conduire les différents essais. Ce type de schéma entraine une absence de maîtrise du savoir-faire et constitue un danger pour la propriété intellectuelle, la plus value technologique étant apportée par des prestataires extérieurs. Il est donc nécessaire de réfléchir à des modalités d’innovation technologique pouvant être mises en oeuvre in situ. Cela nécessite des adaptations, car souvent les technologies spécifiques pour traiter la biodiversité locale, correctement dimensionnées n’existent pas. Il faut également faire preuve de souplesse et de rusticité pour garantir un fonctionnement et une maintenance plus aisée des appareillages utilisés. Ce ne sont pas des schémas habituels pour nous, chercheurs antillais, qui sommes habitués à évoluer dans un environnement technologique poussé (centres de recherche et universités équipés grâce à des programmes européens de financement), où chaque problème a sa solution technologique théorique, mais qui dans notre contexte local n’est pas gage de succès et de création d’activité pérenne. Il existe pourtant des exemples d’innovations technologiques réussis alliant adaptation/souplesse/polyvalence/rusticité. Ils sont évoqués par Louis Fahrasmane, Henry Joseph et Kathia Rochefort.

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