Le Brésil en 1889. Partie 2

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BRÉSIL

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1889.

au Brésil la poésie court les rues, et si la qualité en souffre un peu, on se ratrappe sur la quantité. La langue se prête à l'harmonie des mots et à la cadence des phrases, et la prosodie n'exige pas ces t o u r s de force des rimes masculines et féminines qui r e n d e n t la poésie française aussi difficile que monotone. Grâce à ces sonorités naturelles de langage, nous avons eu des improvisateurs d'un talent réel, tels que Laurindo Rabello (1826-1864) et Moniz Barretto (1804-1868). Les poésies du premier ont été recueillies par M. J. Norherto de Souza e Silva. Celles du second ont donné lieu à une belle monographie, publiée en 1887 par son fils, sous ce titre : « Moniz Barretto l'improvisateur ». Ces improvisations authentiques, tantôt tendres et émues, tantôt spirituelles et patriotiques, constituent un véritable phénomène et demeurent comme l'un des traits caractéristiques de notre peuple. Castro Alves (1847-1887), enfant de Bahia comme Moniz Barretto, a été un imitateur h e u r e u x de Victor Hugo. Les vers qu'il a consacrés à dépeindre le triste sort des esclaves ont été autant de pierres portées à l'édifice abolitionniste, que la loi du 13 mai 1888 a couronné. Ses « Écumes flottantes » affronteront peut-être les orages du temps sans se dissoudre, et son « Navire noir » a porté dans ses flancs les espérances, aujourd'hui réalisées, d'une race longtemps opprimée. Alvares de Azevedo (1831-1852), mort j e u n e , comme ceux que les dieux aiment, a laissé des poésies d'un sentiment bien personnel et d'une tendresse qui rappelle parfois certaines pages d'Alfred de Musset. Fagundes Varella (1841-1875), né à Rio et mort à San-Paulo, est l'un des plus beaux talents poétiques que le Brésil ait jamais produit. Ses « Chants de la solitude et de la ville », son « Journal de Lazare », son « Évangile dans les forêts », ses « Voix d'Amérique » m o n t r e n t assez qu'elle perte la littérature brésilienne a subie lors de sa mort. Casimiro José Marques de Abreu (1837-1859), de Rio, a publié, à vingt-un ans, des poésies (Printemps) qui promettaient une ample moisson pour l'automne de sa vie. Manoel Odorico Mendes (1799-1864), ami de Gonçalves Dias, né à Maranhão, pépinière de poètes et de lettrés, est mort à Londres, après avoir fait de belles traductions de l'Iliade et surtout de Virgile, en vers portugais. Cette dernière traduction montre tout ce que peut faire un poète en transportant fidèle-


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