Le Brésil en 1889. Partie 2

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PRESSE.

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sait sur eux. Quand la presse eut pris un plus grand essor p a r m i nous et fut devenue populaire et accessible à t o u s ; q u a n d des journalistes eurent consenti à prendre en mains certaines questions qui, auParávant, n'étaient abordées que dans les « insertions sur demande », celles-ci commencèrent à diminuer. Elles iront en diminuant chaque jour davantage. En même t e m p s , le niveau moral de la presse a monté : les administrations des j o u r n a u x se sont fait un scrupule d'accueillir des élucubrations qui pourraient Paráître dures aux lecteurs habituels. La plaie est en train de guérir. Hâtons-nous de dire que, malgré ces dispositions absurdes de la loi, quand u n j o u r n a l est actionné p o u r u n article de l'un de ses rédacteurs, celui-ci dédaigne d'avoir recours à l'homme de paille et qu'il se présente personnellement pour assumer la responsabilité de ce qu'il a écrit. Ce relèvement du niveau moral de la presse au point de vue de l'accueil fait par elle aux « insertions sur d e m a n d e » et le ferment des vieilles habitudes mauvaises chez une certaine partie de la population ont provoqué la création d'une espèce particulière de j o u r n a u x , qui ont eu leur m o m e n t de vogue. Ces feuilles ont trouvé leur expression la plus pernicieuse dans un journal appelé 0 Corsario (Le Corsaire). Outre ce qu'il écrivait de son propre fond et qui était pire que toutes les « insertions sur demande » parues jusqu'alors, ce j o u r n a l accueillait, m o y e n n a n t finances, tout ce qu'on lui envoyait à publier. C'était une véritable horreur et ce fut un éclatant succès de scandale. Pendant longtemps, il s'attaqua u n peu à tout le m o n d e , sans que personne le poursuivît : les uns avaient p e u r d'un scandale plus grand encore; les autres croyaient bien faire en vouant au mépris des injures venues d'une telle source. Les autorités ellesmêmes n'intervenaient pas, car l'Empereur, disait-on, s'y opposait, au n o m de la liberté de la presse. Un beau jour, cependant, le rédacteur du Corsaire a t t a q u a violemment u n officier de l'armée. Quelques camarades de cet officier se r é u n i r e n t , firent cause commune avec lui, et le rédacteur du Corsaire fut assassiné en plein jour. L'affaire fît sensation. Beaucoup de gens trouvèrent le châtiment mérité. Beaucoup également trouvèrent qu'une quinzaine ou u n e vingtaine d'hommes réunis pour assassiner u n seul h o m m e , c'était u n peu trop de m o n d e pour accomplir un acte de justice. J'ai dit que l'élévation du niveau moral des « insertions sur


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