Le Brésil en 1889. Partie 2

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dans la section p a y a n t e , l'éditeur du j o u r n a l se présente et exhibe l'autographe qu'il a gardé par devers lui ; l'article a p a r u sans signature ou bien sous un pseudonyme : — l ' A m i de la vérité, la Loi, la Morale Publique, la Main du trépassé, ou tout a u t r e , plus ou moins pittoresque. D'autres fois, il porte le n o m de l'auteur véritable en toutes lettres, avec sa signature reconnue par devant n o t a i r e ; mais si, à la fin de son article, l'auteur n'a pas déclaré qu'il en p r e n d la responsabilité légale, l'éditeur du j o u r n a l incriminé paie un homme de paille, un testa de ferro, qui fait cette déclaration et qui assume toute la responsabilité. Parfois cet homme de paille se trouve déjà poursuivi pour une douzaine d'autres articles du m ê m e genre, qu'il n'a même pas lus. Parfois encore, il est sous le coup d'une condamnation à quelques mois de prison pour des peccadilles analogues. Cette condamnation, il ne l'a pas p u r g é e , d'ailleurs, car, en cette matière, l'exécution de la sentence dépend d'une requête du plaignant. Si celui-ci découvre qu'il en est ainsi, il s'empresse de prouver que l'homme de paille en question ne jouit pas de ses droits civils, et alors c'est l'éditeur du journal qui est poursuivi. Si celui-ci, à son tour, se trouve dans le même cas, c'est le r é d a c t e u r en chef ou le propriétaire du journal qui en est rendu responsable. D'autres fois — et c'est là le cas le plus commun — la victime se contente de déclarer au public que l'auteur responsable de l'article étant le fameux testa-de-ferro u n tel, elle méprise les injures qui lui ont été lancées sous le couvert d'un individu pareil. Quelques-uns, plus spirituels, s'en vont trouver l'homme de paille en question, lui versent une certaine somme, et celui-ci vient déclarer que, poussé par la misère, il avait accepté la r e s ponsabilité d'un article de M. X. contre M. Y ; mais qu'il n'avait même pas lu cet article, et que, mieux informé, il reconnaît loyalement que M. Y. est u n honnête h o m m e et un parfait gentleman, tandis que M. X. est un fripon et un drôle. C'est là l'abus, le mauvais côté d'une mauvaise loi. Il n'en est pas moins vrai que ces publicações a pedido ont ou ont eu leur bon côté. Alors qu'il n'y avait à Rio-de-Janeiro que le Jornal do Commercio, s'abstenant par système de publier des articles désagréables au gouvernement, ou des j o u r n a u x politiques, et par cela même suspects au public, c'est là que les employés ayant souffert quelque passe-droit, que les classes sociales peu protégées ont trouvé où exhaler leurs plaintes ; c'est là que les petits ont affronté les grands, en dénonçant au public l'oppression qui pe-


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