Le Brésil en 1889. Partie 1

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SERVILE

ET

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ramassé une petite fortune, et leur exemple encourage les parents et amis à suivre la même r o u t e . Les autres pays d'Europe offrent un contingent d'immigrants comparativement restreint. Cependant, les Belges commencent à émigrer vers le Brésil avec empressement. En 1888, il est arrivé à Rio un groupe d'immigrants belges qui s'est établi dans un centre colonial de la province de Minas-Geraes. Ce sont tous des petits laboureurs possédant des économies. Ils sont l'avant-garde d'autres laboureurs de même provenance, et c'est grâce au concours de pareils éléments que la transition s'opère sans trop de difficultés. Cependant, il est des pessimistes qui s'en vont disant que le Brésil aura à se repentir de la grande réforme qu'il vient d'accomplir sans indemniser les propriétaires d'esclaves, et qu'il sera victime de la hâte avec laquelle il a marché vers la solution finale, car, le 9 mars 1888, les abolitionnistes les plus avancés n'auraient jamais pu supposer, dans leurs rêves h a r d i s , qu'au bout de deux mois ces rêves seraient devenus une réalité. Nous ne pouvons, pour le m o m e n t , que leur opposer des raisons tirées de l'analogie et de l'induction la plus rigoureuse. Certes, nul n'est prophète pour son pays. Mais tout le monde peut avoir confiance en l'avenir quand le passé — un passé d'hier — est là pour le rassurer. Or, depuis que le mouvement d'émancipation s'est accentué au Brésil ; depuis que ce pays sacrifie libéralement l'un des principaux facteurs de sa richesse matérielle, est-ce que la prospérité publique a diminué? est-ce que la production agricole a été atteinte? souffre-t-il dans sa fortune et dans son bien-être? s'est-il appauvri en se guérissant d'un mal séculaire ? — On est obligé de convenir qu'il n'en est rien, et que, tout au contraire, le bienfait r e n d u à toute u n e race injustement opprimée a été payé au centuple par u n surcroît d'abondance. Que l'on nous permette de prouver cette assertion, paradoxale en apparence, par quelques chiffres curieux. De 1871 à 1887, sous le régime des deux lois d'émancipation promulguées le 28 septembre 1871 et le 28 septembre 1883, non seulement pas u n seul homme n'est venu au monde dans le pays sans naître libre, mais encore un million d'esclaves ont été r e n d u s à la liberté. Or, ainsi que nous allons le voir, la production générale n'a fait que suivre une marche ascendante pendant cette période de transition. Si l'on consulte les chiffres se r a p p o r t a n t 14


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