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LES
AVENTURES
plus voyagé. C'est le sort : depuis le climat j u s q u ' a u x modes, tout varie dans notre belle F r a n c e , et B i e n fol e s t q u i s ' y
fie.
Dans les commencements, cela me surprit et m'offusqua b e a u c o u p , mais je m'y habituai vite. On se fait à tout, m ê m e au dédain des h o m m e s , en le leur rendant : Venom,
to thy work, dit Hamlet. Peu à peu
je ne m'occupai plus que d'une chose, d'obéir à tous les ordres de m a conscience, sans scrupules, sans hésiter, parfois sans m ê m e me retourner pour voir l'effet de mes actes. Je restai pendant toute une année immobile ou à peu p r è s , faisant le lézard sous les rayons b i e n - a i m é s du soleil de la patrie. Depuis les boulevards j u s q u ' a u Louvre, tout m'était n o u v e a u : donc tout beau : je jouissais de Paris comme un habitant de Carpentras. Mais les voyageurs sont de vrais b u v e u r s . . .
de
sensations; qui a bu b o i r a , qui a voyagé voyagera. Quand on a p e n d a n t longtemps m a n g é de ce pain souvent amer, mais e n i v r a n t , des courses lointaines; quand le besoin d'errer p a r intervalles s'est inoculé dans votre s a n g , comme un virus de mouvement ; coûte que coûte, à certaines heures il faut partir, emporté au vent de la n a t u r e , comme le cygne ou