Les aventures de Robin Jouet. Guyane française.Partie 2

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DE

ROBIN

JOUET.

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par Ricard lui-même, qu'on en avait brûlé ce soirlà pour quatre cent mille reis (douze cents francs). Mais le tafia se prolongea pendant presque toute la nuit, et ne s'arrêta que lorsque la dernière goutte fut absorbée. Enfin, quelques heures avant le jour, le bruit cessa. A force d'ivresse, le dernier des buveurs s'était endormi; je pouvais penser à mon aise, sans entendre leurs rires ou leurs chansons bachiques, dont chaque refrain était une insulte pour le mort de la veille. Je quittai mon hamac et sortis un instant du carbet, afin de me plonger mieux dans la solitude du dehors. La nuit était splendide, ni trop chaude, ni trop froide, avec des parfums plein l'air, et des étoiles dans le ciel comme une neige fixe. J'allai m'asseoir sur le canot échoué où je m'étais assis le matin, et là me pris à rêver. Bientôt la lune se leva resplendissante, la lune de par là-bas, la lune de Venise, claire et si poétiquement belle, que l'âme s'enivre rien qu'à la regarder. Son disque rouge d'abord, immense, puis pâle et rétréci, éclaira successivement la forêt prochaine, le carbet, le lac. La tête dans les mains, l'âme perdue dans des rêves de patrie, je suivis longtemps sur les flots son rayon argenté. Je cherchais je ne sais


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