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LES
AVENTURES
comme un cheval de course. Je le voyais s'étaler sur la moitié du ciel, puis envahir le zénith, et me couvrir de son obscurité froide. Le vent soufflait à plier mon m â t ; sous chacune de ses rafales, mon radeau battait la m e r , tombant et remontant à la vague comme s'il allait s'envoler. Je risquais de le voir se briser sous l'effort du vent, et me jeter au flot avec ses débris. Mais j'allais toujours sans rien regarder que la tempête, sans rien sentir que l'étrange satisfaction sensuelle qui de plus en plus m'enivrait. La pluie seule vint calmer et m a course et moimême. Au plus fort de l'orage, comme l'eau commençait à tomber sous un grondement perpétuel de foudre, il me sembla q u e , malgré m a voile, mon
radeau
tournait dans la mer par cercles. Mais la pluie m'empêchait de voir quoi que ce fût, et d'ailleurs je ne pouvais rien faire, si ce n'est attendre. Cependant, comme la douche que je recevais à flots
m'avait
dégrisé, et que d'ailleurs le vent ne soufflait plus, j'abattis ma voile à la grande satisfaction de mou singe, qui s'alla cacher dessous. Puis à tous risques, je renouai ensemble quelques lianes que les vagues avaient brisées pendant m a course folle. La pluie avait fait tomber la m e r , et le courant