DE
ROBIN
JOUET.
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une forêt : donc tout ce qu'il pouvait y avoir entre elle et m o i , c'était quelques lieues au plus. Or, en Seine, au fil du c o u r a n t , il est v r a i , j'avais souvent fait plusieurs lieues à la nage. Je pouvais bien essayer sur la m e r , qui porte mieux que l'eau douce, et, à l'aide de quelques branches pour me soutenir en cas de fatigue, g a g n e r
enfin
une terre.
Mais en m ê m e temps je réfléchis que je serais peut-être emporté au large comme la veille par un courant allant en sens contraire de mon but. E n outre le rivage pouvait très-bien être moins rapproché qu'il ne le paraissait, et alors, si la m a r é e , ou simplement la fatigue, allait me prendre à moitié route, que deviendrais-je? Enfin mon fusil et tout ce que je portais ajoutaient encore à mon e m b a r r a s . Si léger qu'était mon bagage, nager p e n d a n t plusieurs heures avec un pareil poids n'était pas possible. Le laisser là? Je n'y pensais m ê m e pas. C'eût été m ' a r r a c h e r tous mes espoirs, et mieux que mes espoirs, car on m'avait répété à maintes reprises que dans l'Amérique du Sud on était bien souvent forcé de chasser pour vivre. Je comptais donc sur mon fusil comme sur m o i - m ê m e pour m'aider à traverser les forêts qui devaient me séparer de Cayenne, où j'avais l'idée d'aller en suivant le rivage.