L’arrêt Dilcia Yean et Violeta Bosico du 8 septembre 2005

Page 21

droit d’accès direct des personnes à l’organe juridictionnel. En attendant de parvenir au jus standi, le pétitionnaire interaméricain participe à la procédure du fait du locus standi. Il intervient, en effet, dans la phase de réparation ; depuis l’entrée en vigueur du nouveau Règlement de la Cour du 1er juin 2001, modifié en 2003, le pétitionnaire peut présenter devant la Cour interaméricaine de nouveaux éléments 141 . 50. En dépit de ses progrès, la Cour interaméricaine souffre d’une lacune originelle qu’elle a su, au fil de sa jurisprudence, combler, quoique imparfaitement. Le caractère exécutoire de ses arrêts est une faiblesse du système 142 , comme l’attestent les lendemains de l’affaire Dilcia Yean et Violeta Bosico. 51. Contrairement au système européen qui a prévu, dans le texte de la Convention, le

contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour par le Comité des Ministres 143 , la Convention de San José est vierge de toute disposition allant en ce sens. Ce contrôle est pourtant réalisé par la Cour et, ce, en vertu d’une lecture dynamique et audacieuse de la Convention. 52. La Convention américaine des droits de l’homme, et plus généralement l’ensemble des Conventions de protection des droits de l’homme, n’a de sens que si l’ensemble de ses dispositions atteint le droit interne des Etats Parties et profite à la personne humaine 144 . Au crédit du système interaméricain, il faut mettre en avant le fait que la Convention américaine des droits de l’homme et les arrêts de la Cour de San José ont un statut interne très favorable. Ce statut découle des termes de la Convention elle-même, à savoir : l’article 2, relatif à l’obligation d’adopter des mesures de droit interne 145 et l’article 68 § 1, relatif à l’obligation

Protocole n°14 associe la Cour et le Comité des Ministres (articles 15 et 16). Sur la réforme, lire : COHENJONATHAN (Gérard), FLAUSS (Jean-François), La réforme du système de contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme, Collection Droit et Justice, n°61, Bruylant, Bruxelles, 2005, 256 p. 141

Il s’agit donc d’éléments qui n’ont pas été examinés par la Commission. Pour la doctrine, cet apport du Règlement de la Cour « autonomise le contenu des pétitions présentées devant la Cour par les individus », in. LALYCHEVALIER (Caroline), DA POÏAN (Fanny), TIGROUDJA (Hèlène) « Chronique de la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme », RTDH, n°62, 2005, p. 473.

142

En 2001, lors du Deuxième Sommet des Peuples des Amériques qui s’est tenu au Québec, avait été réaffirmée la nécessité de reconnaître aux décisions de la Commission et de la Cour interaméricaines un caractère exécutoire (http://www.fidh.org/ecosoc/dec0401f.htm).

143

Article 46 CEDH. Il est à signaler que dans le système africain, la surveillance de l’exécution des arrêts de la désormais Cour de Banjul appartient au Comité des Ministres de l’Union Africaine.

144

Si l’Etat demeure le sujet de droit international par excellence, il est sans conteste que la place de l’individu sur la scène juridique internationale s’est amplifiée. Cette évolution a été possible depuis que lui a été accordée la capacité de saisir un organe spécialisé chargé de mettre en œuvre les dispositions des conventions de protection des droits de l’homme. Cette évolution s’illustre dans l’affirmation suivante : « la reconnaissance de la centralité des droits de la personne correspond en définitive au nouvel ethos de notre temps » (CONSEIL PERMANENT DE L’OEA, Annexe VI, Rapport et propositions du Président et Rapporteur de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le juge Antonio Augusto CANÇADO TRINDADE présentés à la Commission des Questions Juridiques et Politiques du Conseil permanent de l’OEA dans le cadre du dialogue sur le système interaméricain de protection des droits de la personne. Fondement d’un Projet de Protocole à la Convention américaine des droits de l’homme dont le but est de renforcer le mécanisme de protection de cette dernière, Washington D.C, 5 avril 2001). Sur l’apport de la jurisprudence régionale à l’évolution du droit international des droits de l’homme, voir notre contribution : La portée juridique des présomptions dans les systèmes européen et interaméricain de protection des droits de l’homme. Contribution au renforcement de la personnalité internationale de l’individu, Thèse, Université des Antilles et de la Guyane, Martinique, février 2006, 548 p. 145

Article 2 CADH : « Si l’exercice des droits et libertés visés à l’article 1 n’est pas déjà garanti par des dispositions législatives ou autres, les Etats parties s’engagent à adopter en accord avec leurs prescriptions constitutionnelles et les dispositions de la présente Convention les mesures législatives ou autres nécessaires pour effet auxdits droits et libertés »

21


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.