L'agriculture à la Guadeloupe

Page 72

— 70 — Pitre, dit port de la liberté, où on les emploierait aux travaux de l'arsenal' et qu'on les déporterait à Saint-Martin, à la Désirade ou tel autre lieu désigné, pour y recevoir le traitement mérité de leur conduite. Vains efforts ! Les nouvelles citoyennes continuèrent la même vie, même après une arrestation en masse faite le 18 mars 1 7 9 5 , au moment où elles assistaient aux manœuvres des troupes. Hugues offrit alors aux noirs l'appât d'un salaire; il comprit que la République et la liberté ne suffisaient pas aux cultivateurs, qui assurent à la colonie le succès dans la guerre et la prospérité. Il fut donc arrêté que tous les citoyens et citoyennes attachés à la culture de la terre seraient admis à se proposer pour recueillir le café, etc., et qu'il serait alloué à chacun d'eux une demi-gourde par chaque baril de café en parche qu'ils auraient recueilli, et qu'ils recevraient le paiement en provisions, effets ou espèces. Hugues ne voulait qu'une chose : sauver la récolte du café, évaluée à 4 millions de kilogrammes, estimés 6,660,000 fr.; mais il ne paya pas de salaire. D'ailleurs les noirs ne se laissèrent pas leurrer par cette p r o m e s s e ; aussi le proconsul demanda-t-il au gouvernement s'il avait l'intention de distribuer les propriétés nationales aux Africains. La République perdrait ainsi de grands capitaux par la paresse naturelle à tous les individus habitant un pays où les besoins de la vie sont comptés pour rien. « L'homme attaché aux travaux de la terre, disait Hugues, peut, sans se gêner, se procurer en dix jours l'existence d'une année. Il n'a pas de besoins ; les vêtements lui sont inutiles. L'indolence et la paresse sont le suprême bonheur pour lui ; il n'est mû par aucune des passions qui peuvent porter l'homme au travail ; l'ambition lui est inconnue ; le retour dans sa patrie serait un châtiment. Il ne peut donc s'adonner aux travaux de la culture du sucre ou du café que par la contrainte. Est-ce là l'esprit de la Constitution ? Rien de plus pénible que les travaux de la culture aux colonies, sous un ciel aussi brûlant. Un forçat condamné à vingt ans de fers ne voudrait pas échanger sa peine contre un an de travail à la culture du sucre. Ce n'est donc que par gradation que l'on amènera ces infortunés, par l'instruction, par le besoin, par les vices mêmes de la société, à l'état où le gouvernement veut les appeler. — Comment faire d'ailleurs, disait le gouverneur, pour concilier la Constitution avec les instructions données par le ministre et faire des réglements sévères pour la culture ? — Eh quoi! r é p o n dait Hugues, donner la liberté à ces hommes à qui il ne faut que dix j o u r s , dans une année, pour se procurer tous les besoins et vivre agréablement, sans nuire à la société, suivant l'esprit de la Constitution ! Il est donc contre ce même esprit de l'assujettir à travailler pour les a u t r e s ? » Hugues continua donc la lutte, et en 1796 fut pris un arrêté sur la répression du vagabondage. On constitua chaque municipalité en tribunal, et on édicta contre tout vagabond une peine de deux mois de fers ; il renonça,


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.